L'enseignement du normand est moribond
  par Rémin Pézeri

 

En Basse-Normandie

En école primaire, quelques instituteurs font parfois chanter leurs élèves en utilisant le CD "Caunchounettes, Le petit goubelin" enregistré par les élèves de Quettetot (près de Bricbé) et produit par notre association Magène. Le CRDP de Caen avait trouvé l'idée formidable puis, dans un deuxième temps, après avis d'éminents dialectologues, a envoyé une lettre de refus de co-produire et même de distribuer le CD, car "le normand n'est pas une langue mais un patois" ! On est bien aidés !

Quelques chansons ont cependant été diffusés grâce à Jean-Louis Dalmont (qui était conseiller pédagogique en musique avant une retraite bien méritée) dans les CD destinés aux instituteurs en Basse-Normandie (collection "Partitions fantômes").

L'option possible au concours d'entrée à l'IUFM a sombré corps et âme. L'IUFM de Caen a accueilli une année dans son hall l'expo "auteurs normands : vous avez dit patois ?" (Expo toujours disponible).

En collège, plusieurs établissements de la Manche avaient une heure pour enseigner le normand (ceci est un droit si 15 élèves s'y inscrivent, c'est aux familles de faire la demande). Les professeurs sont partis en retraite (à St Sauveur le Vicomte, St Jean de Daye, Beaumont-Hague...) ou bien le ou la principale ont subitement supprimé sans concertation le cours (à Avranches, à Gavray : il fallait une heure pour aller à la piscine, alors on prend l'heure de normand !). Il reste Bricquebec, enfin pas cette année.... !!! La prof est en congé maternité, et malgré un collègue qui s'est proposé pour la remplacer, le cours n'est pas lancé ! Il faudrait payer quelques heures supplémentaires... Bien des options de langues seront supprimées à la rentrée, alors le normand ! C'est bien la dernière roue du carrosse !!!

Bon, le collège des Pieux fait figure de dernier des Mohicans : une heure en sixième, zéro en cinquième depuis deux ans. Concurrence du latin et impossibilité de continuer en 4è et 3è, ce qui a fini par lasser les élèves les plus motivés et produit une contre pub.

En lycée, n'en parlons plus... Des tentatives avaient eu lieu à St-lô et à Valognes...

A l'Université, le cours de "dialectologie normande" est bien suivi, mais on n'explique jamais aux futurs enseignants de français qu'ils pourraient également essayer d'obtenir une heure pour enseigner le normand. C'est incongru ! On est loin de former des enseignants de langue normande, de prévoir un CAPES de normand... !


En Haute-Normandie

Le rectorat avait répondu par un niet catégorique aux demandes des associations. N'y revenez pas ! Il faut savoir ceci pour comprendre que la responsabilité de la disparition d'une langue et d'une culture incombe bien à l'Education (toujours) nationale.

Les langues d'oil ont été exclues des avancées obtenues à l'époque de Jacques Lang (en 1995) : elles ne font pas partie de la liste officielle des langues régionales de France...

Evidemment, après cela, il est facile de dire que le (patois) normand est moribond, qu'il vit ses derniers instants chez quelques personnes (âgées).
Quand on veut tuer son chien, on dit qu'il a la rage ! Quand on veut tuer la langue normande, on dit que c'est un patois venant de la déformation du français !
Personne ne dit plus à un Breton ou à un Corse qu'il parle patois, ce qui fut aussi leur lot jusqu'à une époque récente.

Les enseignants qui tentent même de modestes projets dans leurs classes sont invités à nous contacter : nous serions heureux de contribuer au partage des expériences et des documents pédagogiques.

Heureusement certains linguistes contredisent ce discours passéiste du "patois" : je pense en particulier à Henriette Walter et Claude Hagège qui se battent pour tirer la sonnette d'alarme : le bilinguisme dans l'enfance est un atout pour apprendre ensuite d'autres langues ! Et le français lui-même est menacé par l'anglais et très mal défendu.

Les langues régionales ont été à la source du français, elles peuvent encore le nourrir dans la recherche de vocabulaire pour remplacer les anglicismes.