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GLOSSAIRE NORMAND -
QUÉBÉCOIS
par Hugo Voisard chercheur en traduction à l'Université Laval, au Québec.
partie 1 - partie 2
1ère partie
Glossaire normand-québécois Fondé sur le Dictionnaire du pays de Bray
(1852)
de Jean Eugène Decorde (1811-1881) Ce glossaire a été composé en comparant les données de quatre dictionnaires: un dictionnaire de normand, et trois dictionnaires de québécois (le TLFi et le Littré sont cités à une ou deux reprises). Les mots du dictionnaire de Decorde ont été extraits de façon aussi exhaustive que possible selon un critère: ils sont toujours utilisés en français québécois contemporain. Il est toutefois possible qu'en normand contemporain, certains mots cités ci-dessous soient complètement tombés en désuétude. === Avis === · Les mots sont présentés dans leur ordre d'apparition dans le dictionnaire de Decorde. C'est pourquoi garde-robe précède abrier. · Même si les dictionnaires cités ont été publiés il y a bien longtemps, les mots ci-dessous sont toujours utilisés en français québécois contemporain. L'inverse peut ne pas être vrai pour le normand. · Il est souvent arrivé qu'un mot se trouvait dans les trois dictionnaires de québécois. Dans ce cas, seul un (rarement deux) d'entre eux est cité. · Il est du domaine du possible que des mots communs au français québécois et au normand relevés dans le dictionnaire de Decorde aient été oubliés. Par exemple, pour dresser la liste ci-dessous, il fallait savoir que Decorde écrit zius, mais que Dunn écrit zyeux pour le même mot. · Le degré de vitalité des mots du français québécois peut varier. Par exemple, si maganer, grafigner et icitte sont toujours bien vivants, estatue ne paraît plus s'utiliser qu'en Acadie et jeunesse au sens de "jeune fille" n'est sans doute plus du tout utilisé des jeunes adultes. · GARDE-ROBE. Ex.: Avez-vous un bon garde-robe? Note: Genre masculin au Québec.[Decorde] · ABRIER, abriter. Les uns font venir ce mot du vieil allemand ad-bi-rihan, les autres du latin arbor. Nous ferons dériver tout simplement ce mot de abri, comme le verbe abriter. B.-N., H.-N., P. [Decorde] · ABRIER. Vieux mot qui signifiait Mettre à l'abri. Est encore usité en Normandie et en Bretagne pour Couvrir, et S'abrier pour Se mettre à couvent. Nous l'avons aussi conservé dans l'acception de Se couvrir, lorsqu'on est au lit. [Dunn] · ACCOUTUMANCHE, ACCOUTUMANCE, habitude. P. [Decorde] · ACCOUTUMANCE, s. f., du verbe accoutumer. Habitude, coutume résultant d'une action réitérée, ou d'une sensation maintes fois éprouvée. S'emploie aussi dans le sens de caprice, fantaisie : - Vous donnez là, à votre enfant, une belle accoutumance, c.-à:-d. un caprice qui vous coûtera cher. [Clapin] · ALUMÈTE, ALLUMELLE, lame de couteau sans manche. · ALLUMELLE, s. f., du norm. alleumelle. Lame d'un instrument tranchant, et surtout lame d'un couteau. Un couteau à deux, trois allumelles. Chez plusieurs vieux auteurs français, on lit alemele, la lemele, etc. " Hauteclere, dont tranche la lemelle. " Gaydon [Clapin] · ARIAS, contrariétés. Ex.: Il y a eu des arias pour son mariage. [Decorde] · ARIA. Centre. de la France. Embarras, tracasserie. Faire beaucoup d'aria pour peu de choses. Est donné par Bescherelle. [Dunn] · ASTEURE, à présent, à cette heure. P. [Decorde] · HEURE. A c't'heure. Centre. de la France. A cette heure. Je ne parlerai point à st'heure. Ai-je commencé dès ast'heure (Brantôme). Montaigne écrit asteure, asture. Voir: D'heure et Tarder. [Dunn] · AVEINDRE, atteindre, tirer une chose d'un lieu. P. [Decorde] · AVEINDRE, v. a., -du lat. advenire, arriver à, atteindre à. Tirer à soi quelqu'un ou quelque chose, prendre un objet à la place qu'il occupe habituellement ou accidentellement :- I faut l'aveindre de là, c.-à-d. le tirer de là.- J'peux pas l'aveindre, c.-à-d. je ne puis pas mettre la main dessus. " J'en veur (veux) un (mari) qui pîsse (puisse) aveindre ès rouaies (solives). " Rimes guernesiaises, p. 92. La forme primitive de aveindre semble avoir été avenir. L'on a dit déjà il avint, pour il atteignit, d'où probablement le mode infinitif aveindre, atteindre, Voir : Raveindre. [Clapin] · AVEINE, avoine. [Decorde] · AVEINE s. f. Avoine. Vx fr. - E fermé libre devant une nasale donne régulièrement ei. Aussi avena a-t-il donné aveine, comme halena a donné haleine et vena, veine. La forme régulière aveine se rencontre dans tous les anciens auteurs, et jusque dans La Fontaine: " Deux mulets cheminaient, l'un d'aveine chargé.: " J'ai ouï, dit Thomas Corneille. beaucoup de gens de cour dire aveine; à Paris, on le prononce partout ainsi. " Dial. - M. s., Anjou, Bas-Maine, Berry, Bourgogne, Bretagne, Franche-Comté, Nivernais, Norman. die, Orléanais, Picardie. Fr. - Aveine est maintenant hors d'usage. quoique l'Académie, Littré et le Dict. gén. l'enregistrent. [GPFC] · BARRURE. Voy. Barrage. [BARRAGE, clôture faite au moyen de pieux et de longues pièces de bois.] [Decorde] · BARRURE s. f. 1° Barre (servant à barrer une porte, une fenêtre), verrou, serrure, fermeture. Ex.: Poser une barrure neuve à la porte. 2° Cloison, barre, qui sépare les stalles dans une écurie. 3° Stalle (séparation pour les chevaux dans une écurie). [GPFC] · BER, berceau. [Decorde] · BERS, ridelles d'un chariot. [Decorde] · BERS. Berceau. Ce mot remonte au 13e siècle; il n'est plus dans le dict., mais il est généralement usité en Normandie et au Canada. [Dunn] · BERS s. m. 1° Berceau. Ex.: C'est le bers de ma défunte mère = c'est le berceau dont s'est servie ma défunte mère. Vx fr. - M. s. Dial. - M. s. Anjou, Bourgogne, Bretagne, Champagne, Hainaut. Maine, Normandie, Orléanais, Picardie, Poitou. 2° Partie d'une charrette à foin qui est entre les ridelles. Dial. - Ber = partie de la voiture qui est entre les ranchers. Anjou, Orléanais. Fr. - Bers (pl.) = ridelles, côtés à claire-voie d'une charrette. Can. - Berceau = m. s. [GPFC] · Attesté dans la plupart des dict. gén. du xixe et du xxe siècle. [TLFi] · BOUCANE, maison de chétive apparence. Ce mot vient de boucan, bordel. C'est à cause de la mauvaise acception de ce dernier mot qu'un cordelier de Dijon, nommé Boucan, changea son nom et se fit appeler Beauchamp.[Decorde] · BOUCANE s. f. 1° Fumée. Ex.: La boucane de la cheminée. Dial. - M. s., Saintonge. 2° Vapeur d'eau. Ex.: L'eau doit bouillir, il sort de la boucane. 3° Boisson spiritueuse, whiskey, surtout whiskey de fabrication clandestine. [GPFC] · BOUCAN s. m. Petite construction où l'on fait sécher à la fumée, où l'on boucane la viande. Dial. - Boucan = local où l'on boucane la viande, le poisson. maison remplie de fumée, Normandie. Fr. - Boucan = sorte de gril de bois sur lequel les Caraïbes fumaient leur viande, etc. Can. - Marc Lescarbot, dans son Histoire de la Nouvelle-France, écrit: " Le boucan (c'est une grille de bois assez haute, bâtie sur quatre fourches) " [GPFC] · BOUCANER, quereller. Se dit aussi d'un fumeur qui aspire beaucoup de fumée à la fois. [Decorde] · BOUCANER v. intr. Fumer. Ex.: La cheminée boucane = fume. - Des mets qui boucanent = qui fument, qui exhalent de la vapeur. [GPFC] · BRICOLE, espèce de licou qu'on met aux vaches pour les empêcher de brouter les arbres. [Decorde] · BRICOLE s. f. Bretelle, bande double sur l'une et l'autre épaule et qui soutient le pantalon, la culotte. Fr. - Bricole se dit de la bretelle de porteur d'eau, de portefaix, etc., ainsi que de la partie du harnais d'un cheval de trait sur lequel s'appuie le poitrail quand il va en avant. Can. - S'emploie surtout au pluriel. [GPFC] · CANT (de), de coté, incliné. Voy. Acanté. B.-N. [Decorde] · CANT s. m. Chant, côté, partie la plus étroite (d'une pierre, d'une brique, d'une pièce de bois, etc.). Ex.: Mettre une pierre sur le cant, sur le chant. Vx fr. - On disait autrefois de cant, par opposition à de plat. Dial. - M. s., Normandie, Picardie. Fr. - Cant est la forme normanno-picarde de chant. Plusieurs dictionnaires français enregistrent cette forme. " La plupart des dictionnaires écrivent à tort champ " (Dict. gén.) [GPFC] · CAPOT ou CAPOTE, espèce de mante de camelot, à l'usage des femmes. On ne la porte presque plus. [Decorde] · CAPOT. "Etre capot, faire capot," est correct; mais ce mot ne désigne pas en fr. un habit. Il semble difficile, cependant, de remplacer le bon capot canadien par un pardessus, un manteau, une capote, une houppelande, un paletot, un surtout, une redingote. [Dunn] · CHICOTER, marchander, importuner. [Decorde] · CHICOTER, v. a., Agacer quelqu'un d'une façon déplaisante. En Normandie, chicoter est usité dans le sens de " marchander à outrance." A rapprocher, aussi, de chacoter, qui veut dire, en Saintonge, " tourmenter un morceau de bois avec son couteau." [Clapin] · CHICOTER v. tr. Tracasser, inquiéter, agacer, ennuyer. Ex.: Cette affaire-là me chicote = m'inquiète. Dial. - Chicoter = importuner, Normandie. Fr. - Pop., chicoter = disputer sur des bagatelles. [GPFC] · Vx, pop. [TLFi] · CLAQUES, espèce de chaussures de femme. [Decorde] · CLAQUE s. f. Chaussure de caoutchouc qu'on met par-dessus la chaussure ordinaire pour se garantir de l'humidité, de la boue, etc., caoutchouc. Fr. - Claque = sorte de socque plat que les dames mettaient par-dessus leurs souliers pour se garantir de la boue. - Socque = chaussure de bois, de cuir, qu'on met par-dessus la chaussure ordinaire, pour se garantir de l'humidité .. -, Caoutchouc = chaussure de caoutchouc. Ce terme est peu usité. [GPFC] · CLAQUES, s. f. pl., Doubles chaussures en caoutchouc, afin de préserver les bottines de la boue et de l'humidité. [Clapin] · CLAQUE.1 - Nom d'une espèce de sandales que les femmes mettent par-dessus leurs souliers, pour se garantir de la crotte. Aux dominos que la dame rencontre Elle s'en va disant : " Que je vous montre Monsieur Grognard, un franc original, Mon cordonnier qui prend des airs de bal. " Lors d'un peu loin dirigeant ses attaques : " Tenez demain, pour trois heures un quart, Mes souliers prêts ; entendez-vous, Grognard ! - Oui, mais pour vous, point de souliers, des claques, " PONS (DE VERDUN), Contes et poésies, p. 68. - Littré · COQUERON, petit coquet. [COQUET, petite veillote; petit coq.] [Decorde] · COQUERON s. m. Petite armoire dérobée pratiquée dans une maison et destinée à recevoir toute espèce de vêtements, de chaussures, etc. Fr. - Coqueron = petite chambre à l'avant de certains bâtiments de cabotage, et qui sert de cuisine, petite armoire pratiquée à l'avant ou à l'arrière d'une chaloupe. [GPFC] · CRIQUET, grillon. [Decorde] · CRIQUET, s. m., Grillon du foyer. [Clapin] · DEMIARD, quart de chopine. H.-N. DEMI-GROS, quatre muids. Les aubergistes de Dieppe ont l'habitude d'acheter leur cidre au demi-gros; et, en dépit de toutes les lois sur les nouvelles mesures, ils ne consentent à se livrer dans le pays de Bray que dans des pièces frauduleuses qu'ils nomment tierçons. [Decorde] · DEMIARD s. m. Mesure de capacité; demi-chopine. Dial. - Demiard = quart de litre, Normandie. [GPFC] · DRET, droit. P. [Decorde] · DRET, ETTE adj. Droit. Ex.: Malgré ses soixante-quinze ans, il est dret comme une flèche = il est droit ... Vx fr. - M. s. Dial. - M. s. Anjou, Berry, Bourbonnais, Bourgogne, Franche-Comté, Maine. Nivernais, Normandie, Orléanais, Poitou. Saintonge, Savoie. [GPFC] · DRET (tout), justement. [Decorde] · DRET adv. 1° Droit. Ex.: Allez dret devant vous = droit devant vous. Vx fr. - M. s. Dial. - M. s., Anjou. Berry, Bourbonnais, Bourgogne. Franche-Comté, Maine, Nivernais, Normandie, Orléanais, Picardie, Poitou, Saintonge, Savoie, Sologne. 2° Précisément, justement. exactement. Ex.: Tu arriveras dret au bon moment = tu arriveras justement au bon moment. Vx fr. - Dreit = m. s. Dial. - Dreil = m. s., Normandie. 3° Tout fin dret = sans détour, droit au but. Ex.: Je lui ai raconté l'affaire tout fin dret = sans détour. Dial. - M. s. Berry. Nivernais, Orléanais, Poitou, Saintonge. 4° Dret-là = dans cet endroit, tout près. Ex.: Vous y êtes, c'est dret là = c'est tout près, c'est justement dans cet endroit. Dial. - M. s., Berry. Bourbonnais. Bourgogne, Nivernais. 5° Dret devant (quelqu'un) = ouvertement, sans cachotterie. Ex.: Elle soignait dret devant nous autres = sans cachotterie. [GPFC] · ÉCORNIFLEUX, écornifleur. [Decorde] · ÉCORNIFLEUX, EUSE s. m. et f. Indiscret qui se glisse chez les gens pour voir ce qu'ils font, pour entendre ce qu'ils disent. Dial. - Écornifleur = m. s., Anjou; écornifloux = m. s., Normandie. [GPFC] · ESCOUSSE, secousse. [Decorde] · ESCOUSSE, s.f., Un certain espace de temps, assez longtemps, quelque temps : - Vous en avez encore pour une bonne escousse. " Eune bonne escousse. après, je sacoute encore. " Cyr. de Bergerac, le Pédant joué, p. 337. [Clapin] · ESTATUE, statue. H.-N. [Decorde] · ESTATUE, s.f., Statue. " Les estatues des gens argent e or, ovres de mains de humes. " Lib. psalm., p. 176. [Clapin] · ESTOMAC (mettre dans son), en parlant d'une personne qui place quelque chose entre sa chemise et sa poitrine. H.-N. [Decorde] · ESTOMAC. Mettre dans son -. Normandie. Mettre entre sa chemise et sa poitrine. [Dunn] · FLAMBE, flamme. P. [Decorde] · FLAMBE, s.f., Flamme. Lueur se dégageant d'un incendie ou d'un corps quelconque en combustion. Du lat. flamma. L'intercalation du b dans flambe a lieu comme dans humble, comble, etc., dérivés de humilis, cumulus. On trouve indifféremment flambe et flamme dans les vieux dictionnaires, et le français actuel a conservé flamber, flamboyant, flambeau. " Et dans mes couret (entrailles) il alume De la flambe. " Louis Petit, Muse normande, p. 26. [Clapin] · FRICOT, festin, et plus généralement toute espèce de met. Ex.: As-tu du fricot avec ton pain? P. FRICOTER, faire bombance. B.-N. P. [Decorde] · FRICOT s. m. 1° Festin, repas extraordinaire. Ex.: Donner un fricot = donner un festin. Dial. - M. s., Berry, Bretagne, Forez, Lyonnais, Nivernais, Normandie, Provence. Fr. - Fricot = ragoût. 2° Fiasco, entreprise manquée. partie de plaisir manquée. Ex. : Faire fricot = faire fiasco. 3° Gâchis. Ex.: Le réservoir à eau a renversé dans le grenier, c' est un fricot dans la maison = c' est un gâchis ... [GPFC]
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