Aveucque des luneuttes
- Tiens, Victor, t'as des luneuttes, à c't'heure ? C'est nouviau !
Deud'pés quand qu't'as des luneuttes ?
- Ça feut huit jous. Ça deut feure, eugu'xactement huit jous passeus
d'vendeurdi. J'en seus que d'mieux. J'eu bé d'trop attendu pou
eunn'n'aveu. Mais bon, tu seus c'que c'est, on n'heusite toujous.
Surtout la peurmieure fas ! Mais au moins, à c't'heure, je r'connais
l'monde. Et pis, j'peux compteu et r'compteu mes sous, tout seu, comme
i faut, sans m'deutrompeu. Mais tu seus bin, j'vas t'dire queuque
chouse : " T'as biau aveu des luneuttes toutes neuves, ça
n'grossit pas les chiffes pour autant ! "
- Tiens, Victor, tu portes des lunettes, maintenant ? C'est nouveau
! Depuis quand en portes-tu ?
- Cela fait une semaine. Cela fait, exactement, une semaine passée
depuis vendredi dernier. Mais, je suis mieux maintenant. J'ai
certainement trop attendu. Mais, tu sais ce que c'est, on hésite
toujours, la première fois ! Mais, maintenant, je reconnais les gens.
Et puis, je peux faire mes comptes, moi-même, comme il convient de le
faire et sans me tromper. Mais, tu sais, je vais te dire quelque chose
: " ce n'est pas parce que tu portes des lunettes que les chiffres
sont plus importants et que tu es plus riche !"
Bétôt l'z'euleuctions
- Dis Feulisse, j'eu ouï dire que t'alleus t'eurporteu, core un coup,
aux porcheunes z'euleuctions. C'est t-i vreu ? T'eumes bé t'occupeu
d'z'autes, tu reusses pas les deux pieuds dans l'mîn-me sabiot. Alors
yeunne n'n'a qu'euspeurent que tu vas r'parti.
- Je n'seus core pas c'que j'vas feure. Tu seus, à l'âge que j'seus,
vaureut bé mieux que j'reuss'reus feure eul'fourbi à la meuson.
D'autant qu'ya la presse pou prende ces piaces-là. Faut laisseu les
jeunes vé c'que c'est. Et pis, faut t-i pas qu'ça change un p'tit qua
! D'un n'aute côteu, à prende les mîn-mes et à r'c'mmenceu, on
n'est sûr de n'rin changeu ! Ah, j'seus d'accord aveucque ta, c'est
pas aiseu d'prende des deucisions !
- Dis, Félix, j'ai entendu dire que tu allais te représenter,
encore une fois, aux prochaines élections. Est-ce vrai ? Tu aimes bien
t'occuper des dossiers, tu ne restes pas les deux pieds dans le même
sabot. Alors, nombreux sont ceux qui espèrent que tu vas te
représenter.
- Je n'ai encore rien décidé. Tu sais, à mon âge, il serait plus
raisonnable que je reste travailler chez moi. D'ailleurs, il va y avoir
de nombreux candidats. Alors, il est préférable de laisser les jeunes
voir de quoi il s'agit. Et puis, il serait bon qu'il y ait du
changement ! D'un autre côté, si vous reprenez la même équipe, vous
êtes certain de ne rien changer ! Ah, je suis d'accord avec toi, ce
n'est pas aisé de prendre des décisions !
Pas trop d'moutarde !
- Dis don, Françouése, ta téte de viau, ol est bin quieute, ol est
bin gouleuyante, mais t'as oublieu queuque chouse. C'est la moutarde.
La téte de viau, ça s'mange do d'la moutarde !
- Oh, Joseu, aveucque ta, ya toujous queuque chouse qui va pas. C'est
l'cide qui s'reut meuilleur sans z'iau, c'est l'lard qu'est pas asseu
saleu, c'est l'omm'leutte qui manque de pouévre. Aprés, c'est trop
quieut ou ça yest pas asseu ! Et pis, an'hui, c'est la téte de viau
qu'a pas d'moutarde. Eh bin, en v'là d'la moutarde ! Et deucqu'c'est
qui manque core ? Mais tu seus bin, Joseu, qu'à ton n'âge, la
moutarde, c'est comme l'aveune de cureu, i n'en faut pas d'trop. Et pis
ma, j'vieux dormi, c'te neut. Qui c'est qui va g'nouilleu, d'main, pou
rasséreu les peures de P'tit Plant d'Blanc, hein ? C'est pas ta !
- Dis donc, Françoise, la tête de veau est bien cuite, elle est
bien bonne, mais tu as oublié quelque chose. C'est de mettre la
moutarde sur la table. La tête de veau, cela se mange avec de la
moutarde !
- Oh, Joseph, avec toi, il y a toujours quelque chose qui ne va pas.
C'est le cidre que tu préfères sans que j'ajoute de l'eau, c'est le
gras de porc qui n'est pas assez salé, c'est l'omelette qui manque de
poivre. Après, c'est trop cuit, ou pas assez ! Et puis quoi encore ?
Mais tu sais bien, Joseph, qu'à ton âge, la moutarde, c'est comme
" l'avoine de curé ", il ne t'en faut pas trop. Parce que
moi, j'ai besoin de dormir, la nuit. Et demain, qui va ramasser, à
genoux, les poires de " Petit Plant de Blanc " ? Ce n'est pas
toi !
Dans l'poulailleu
Feulisse, tu seus pas c'qu'on m'a dit, à matin ? A c'qu'i paraît,
l'pére Bouétiaux, d'la Bouéte, il a entendu du brit dans son
poulailleu. Il est t'alleu vé, i n'a rin vu de speucial et il a
feurmeu la porte, comme d'habitude. Mais c'est t-i qu'i n'a pas feut
attention, ou c'est t-i qu'i n'y vét pus, eh bin, tu vas m'creure s'tu
vieux, il a enfeurmeu un r'nard dans l'poulailleu. Il aveut dix-neu
poules. Pendant la neut, o z'ont toutes yu la téte coupée! Eh bin, i
gricheut du papot, l'gars Feulisse quand qu'il a vu l'carneuge. Mais,
c'est qu'le r'nard euteut core là. Yaveut pus qu'li d'vivant. Gars
Feulisse courit bin vite cheurcheu sa peutouére et i tuit l'maudit
goupi ! Mais ça n'l'a pas consoleu, pace que l'pére Bouétiaux, i
t'neut autant à ses poules, que ta, à ton lit !
Félix, j'ai appris une bien bonne nouvelle, ce matin. Monsieur
Bouétiaux, de la Bouéte, a entendu du bruit dans son poulailler. Il
est allé voir, n'a rien remarqué de spécial et il a fermé la porte
comme d'habitude. Mais est-ce qu'il n'a pas fait assez attention, ou
est-ce qu'il n'y voit plus, eh bien, tu vas me croire si tu veux, mais
il a enfermé un renard dans le poulailler. Ses 19 poules avaient eu la
tête coupée au cours de la nuit ! Quand il a vu le carnage, il
n'était pas content. Mais, en plus, le renard était toujours dans le
poulailler. Monsieur Bouétiaux est allé bien vite chercher son fusil
et a tué le goupil. Mais, M. Bouétiaux n'est pas satisfait pour
autant, car il tenait autant à ses poules, que toi, à ton lit !
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