Auteurs enregistrés par l’association Magène

Vous trouverez dans cette galerie tous les auteurs, célèbres ou méconnus, qui alimentent le répertoire de Magène. Chaque auteur dispose d’une page personnelle avec une présentation succincte et le plus souvent des exemples de production.

Marcel Dalarun - 61 titres enregistrés

Textes chantés par Magène :
61 textes (sur les différents CDs de Magène)
Carteret (repris sur CD ” La Normandie ” Editions Pluriel)
Le parapie (inédit sur CD ” Zhor “)
La joulie poule neire – Le lapin de Martin (repris sur CDs ” Partitions fantômes 11 et 13 “)

Marcel Dalarun (1922-2017) a été président de l‘association Magène, et ancien président du groupe folklorique Charles Frémine. Il a été responsable de la commission linguistique de l’Association Jersey-Coutançais et animateur de l‘Université Populaire Normande du Coutançais.
Il a participé à l’élaboration de la Grammaire Normande et du dictionnaire normand qui connurent un grand retentissement médiatique. Il est l’auteur de 61 chansons enregistrées sur les disques de Magène. Sa création poétique s’est toujours appuyée sur deux volontés: évoquer des thèmes peu abordés dans la littérature normande (l’amour, l’amitié, la liberté, l’enfance…) et utiliser un vocabulaire très riche. Du fait de sa production originale et érudite, il demeurera l’un des plus grands poètes en langue normande de notre littérature régionale.

 

Daniel Bourdelès

J’ai pris le plus vif plaisir à lire ces poèmes toujours savoureux, écrits dans une langue charnue, et qui évoquent si bellement les plaisirs et les bonheurs de la vie, parfois aussi ses tristesses et – parmi celles-ci – celle du temps qui passe inexorablement. Marcel Dalarun est à coup sûr un vrai poète, un grand poète.

Gilles Perrault – écrivain – 2004

 

Merveilleux travail que celui de Marcel Dalarun. Cela fera date et sera utile. J’ai éprouvé beaucoup de plaisir à cette lecture faite ligne à ligne dans le bonheur.

Hippolyte Gancel – écrivain

 

Alors se produit le miracle : on se laisse charmer par les mots comme par une harmonieuse musique, on pénètre peu à peu le génie du loceis (langage).

Pierre Rique – Patrimoine Normand

Voilà un livre écrit en normand. L’auteur maîtrise admirablement bien le normand, vocabulaire, syntaxe et grammaire. Mais ce qui est plus remarquable, c’est l’inspiration de ces poèmes, un souffle personnel à M. Dalarun, où l’on retrouve exprimés l’amour, l’amitié, la liberté, autant de sentiments peut évoqués par d’autres, et qui font de cet ouvrage une oeuvre moderne dans sa puissance évocatrice et littéraire et dans son expression.

Alain Marie – Président Fédération folklorique Normandie-Maine

Les Amis du donjon ont reçu Marcel Dalarun pour qu’il dédicace son ouvrage « A men leisi » à ceux qui participent aux cours de normand du samedi matin. Ce recueil de poèmes en normand, édité par l’Harmattan, permet de regrouper les écrits de l’auteur qui étaient destinés essentiellement à devenir des chansons de l’association Magène.
Tous les samedis matins, la section normand de l’association les Amis du donjon, regroupe une trentaine de personnes qui viennent apprendre la langue normande, se perfectionner et discuter de façon conviviale sous la conduite de Rémi Pézeril. C’est au cours d’une de ces réunions qu’ils ont reçu Marcel Dalarun, président de l’association Magène et auteur de poésies en normand dont plus de cinquante sont déjà devenues des chansons enregistrées.
Marcel Dalarun, né en 1922, est un ancien directeur d’école et il a exercé à une époque où il devait savoir jongler avec la langue que parlaient les enfants dans leurs familles, qu’on appelait patois, et le français qu’il enseignait. C’est de la rencontre, en 1987, entre l’auteur, Daniel Bourdelès et Rémi Pézeril, que va naître l’idée de promouvoir le normand par la chanson et le disque.
Marcel Dalarun s’est mis au travail et a écrit de nombreux poèmes destinés à être mis en musique et l’association Magène s’est mise en place pour réaliser les enregistrements. Le premier disque sort en 1989 et le huitième, « Eun miot de souovenin », vient tout juste d’être mis sur le marché. Il s’est révélé, qu’en réalité, Marcel Dalarun écrivait depuis très longtemps, c’est pourquoi Daniel Bourdelès écrit dans sa préface : “Il était essentiel de réunir dans un ouvrage la production poétique de Marcel Dalarun, laquelle fait aujourd’hui référence”.

Ouest-France – janvier 2005

Nous l’annoncions, le voici ! Marcel nous offre ici les derniers (sans doute) de ses plus beaux textes. Car le poète, désormais aveugle, n’écrit plus. Equilibrés pour les chansons, d’une vraie parole normande, d’une construction rigoureuse, ces textes vont vous suivre longtemps. D.B. déc. 2010

 

Quand il est mort, le poète…

La Normandie est en deuil. Marcel Dalarun s’est éteint le 27 février en sa maison de retraite de Barneville, à l’âge de 95 ans. Avec lui disparaît un poète majeur de la langue normande, et un fervent défenseur de nos traditions.

Cet infatigable militant de notre patrimoine culturel participait aux associations Groupe folklorique Charles Frémine (dont il fut le président), Parlers et Traditions populaires de Normandie, à l’Université populaire normande du Coutançais, à Magène qu’il a contribué à fonder et qu’il présidait, et à Prêchi normand, sis à Saint-Georges de la Rivière. Il fut aussi responsable de l’Association Jersey-Coutançais. Sans lui, notre loceis n’eût pas connu le même renouveau au cours des vingt dernières années.
Loin, bien loin de se cantonner au monde rural et à ses travaux qui apparaissent souvent comme l’ultime refuge du normand parlé, Marcel Dalarun aborde des thèmes plus volontiers déclinés en français, comme l’enfance, la liberté, l’amour ou l’amitié, dans une langue au vocabulaire extraordinairement riche et varié. Il a du reste initié le travail de collectage de mots normands en vue du dictionnaire que les Amis du Donjon ont mené à son terme.
Par ailleurs amateur éclairé d’arts et traditions populaires, il a rassemblé une remarquable collection de poteries liées à l’artisanat de Néhou (Mourot pour les Normands), dont il a fait don au département de la Manche, et rédigé avec Rémi Pézeril un livre sur la question : De terre et de feu, édité en 1996.
Devenu aveugle, Marcel Dalarun n’écrivait plus. Il a rejoint Louis Beuve, André Louis, Gires-Ganne, Côtis-Capel, Aundré Smilly, et tant d’autres rimeus qu’il nous est impossible de citer ici, tant ils sont nombreux. Gageons qu’ils n’ont pas fini de nous séduire par leurs œuvres, ni d’en susciter beaucoup d’autres dans les décennies à venir.
Outre de nombreuses adaptations de ses œuvres au fil de ses publications, l’association Magène a édité deux CD entièrement consacrés à Marcel Dalarun : Caunchounettes normandes en 2000 (14 chansons à destination des enfants, composées par Véronique Pézeril) ; et en 2004 Eun miot de souovenin, qui regroupe 17 de ses poésies mises en musique par Daniel Bourdelès, soit en tout une soixantaine de textes. On lira avec plaisir À men leisi 2, paru en 2004 (L’Harmattan) et Riles d’étaé (édité par Magène en 2010). Ses amis lui rendront bientôt hommage, soit dans un hors-série de La Voix du Donjon, soit dans une publication de Magène. Nous ne manquerons pas de vous en reparler.

Patrimoine normand – Thierry-Georges Leprévost – 2017

Hommage au poète normand Marcel DALARUN

Alors que nous visitions en famille, ce samedi 11 mars après-midi, la toute nouvelle bibliothèque Alexis de Tocqueville de Caen, dans l’un des recoins de l’immense salle de lecture du premier étage largement ouverte sur les variations du ciel normand, on trouvait quelques livres consacrés à la connaissance de la langue normande. En bonne place, figure l’excellent dictionnaire français / normand publié par nos amis de Magène aux éditions Eurocibles. Non loin de là se trouvait le petit bureau de la bibliothécaire en charge du secteur et la conversation s’engage sur l’actualité de la langue normande à l’heure de la réunification. Arrive alors la question de la bibliothécaire: “avez-vous une référence récente littéraire dans la langue normande à nous signaler afin que nous complétions la collection que nous avons déjà?”. Naturellement, je pense au poète de Carterêt, dans le Cotentin : Marcel Dalarun et son récent recueil de poèmes paru aux éditions de l’Harmattan. La bibliothécaire a le réflexe d’ouvrir un moteur de recherche bien connu. La triste nouvelle tombe alors : Marcel Dalarun nous a quitté le 27 février 2017… Il y a douze jours.

L’étoile de Normandie – 2017

6 février 2018 : conférence sur Marcel Dalarun au château de Caen

 

Notre grand poète régional (photo), décédé l’an passé, reste toujours bien présent chez tous ceux qui aiment la poésie normande. Créatif, inspiré, novateur, il a magnifiquement servi notre langue régionale. Rémi Pézeril nous en dira beaucoup plus le 6 février où il présentera les deux livres édités de Marcel Dalarun et la richesse de son répertoire. Un moment à ne pas râter.
R.V. à 18 h, cour du château de Caen, entrée café Mancel.


Le dictionnaire

Depuis des années, Marcel Dalarun avait entrepris un long travail de collectage de mots normands en vue de constituer un nouveau dictionnaire. Alain Bavay, Joël Halley et quelques autres membres de l’association des “Amis du donjon” ont repris cet énorme travail de recensement, l’auteur ne pouvant plus – pour des raisons de santé – la mener à terme.


Les potiers de Néhou

Le nom de Marcel Dalarun est, par ailleurs, souvent associé aux recherches entreprises sur l’histoire des potiers de la région de Néhou. Marcel a réuni une collection exceptionnelle de poteries artisanales qu’il a cédée au Département de la Manche. Avec Rémi Pézeril, il a participé à un remarquable ouvrage sur cet artisanat : “De terre et de feu” (1996).

Alphonse Allain - 36 titres
Textes chantés par Magène :
Les 19 titres de la comédie musicale “Les Ouées de Pirou”
Men amin de tréjous
Les 11 chansons du CD “Grans de sablle”
Le perlicoquet
Le devaunté
La Hague
Touorne men rouet
Le terre-neuvas
Eun jou men père m’a dit
Le grényi

(1924-2022). Ecrire en normand est pour Alphonse plus qu’un loisir : c’est une passion. Passion qu’il apprécie de partager avec ses associés des “Amis du Donjon”. 
On lui doit une belle collection de 14 recueils et donc une impressionnante quantité de nouvelles, de textes et de poèmes.  De nombreux textes touchants rappellent l’inspiration de la chanson réaliste. A travers ses personnages, l’auteur donne souvent une grande place aux sentiments de la vie quotidienne, lesquels sont traités avec sensibilité et précision. Enfin, lui aussi pratique l’art de la fable.

Ouvrages publiés par Alphonse Allain 

  • Histouères et poésies de par tcheu nouos. Tome I (1996).
    17 histoires – 5 poèmes – 7 fables.  225 pages.
  • Histouères et poésies de par tcheu nouos. tome II (1998).
    16 histoires – 9 poèmes – 9 fables. 235 pages.
  • Dauns noute prêchi (2000)
    19 histoires -13 poèmes – 10 fables. 233 pages.
  • Les gens d’ichin (2002)
    5 histoires – 21 poèmes – 1 fable. 190 pages.
  • Histouères d’âotefeis dauns le Cotentin (2006)
    histoires et poèmes. 140 pages.
  • Poésies normaundes (2007)
    82 poèmes + traductions. 230 pages.
  • les Crochus (2008)
    textes et poèmes + traductions. 216 pages.
  • Dauns men loceis normaund (2009)
55 textes en 210 pages. Des souvenirs de famille, de guerre, de pêche. Une belle collection de poèmes sur les mois. Une autre, plus originale, sur les vieux métiers. Et toujours des portraits d’âmes blessées et d’épicuriens qui en redemandent ! Et toujours cette Hague qui chante dans ses mots ! Bref, on replonge avec plaisir dans l’univers de l’auteur. D.B. avril 2010
  • Le Cotentin, men pais (2011)
Les grands poètes ne se lassent jamais d’écrire. Avec Alphonse Allain, nous en tenons un bon… Ouvrez son dernier livre, “Le Cotentin, men pais” et laissez-vous conduire par ses mots normands, ses images originales et la poésie sincère qui emplit ce livre. Par bonheur pour ceux qui ne comprennent pas tous les mots normands, tous les poèmes sont intégralement traduits en français. Comme d’habitude, aucun sujet n’est écarté, Alphonse rime de tout. Du “pinche-mélingue” (l’avare) à “l’étigot”, les mots se suivent et nous emmènent très loin dans ce Cotentin qu’il aime. Il l’aime non pas comme un touriste mais comme un membre de sa famille. Son attachement est sensible et ses mots ne peuvent laisser froids ceux qui s’y frottent. Le 9e ouvrage de ce grand poète n’attend plus que vous ! D. Bourdelès
A vendre dans les librairies du Nord-Cotentin
  • Le petit prince – traduit en normand (2014)
  • En lâonaunt dauns nous caches (2016)
Notre auteur régional nous propose son dernier livre, 205 pages consacrées à sa région – la Hague – et surtout à ses souvenirs personnels : une longue vie riche en rencontres et en émotions. Le style est toujours épatant, le vocabulaire riche et les tournures créatives. Tous les vers sont immédiatement traduits en français, ce qui facilite grandement leur lecture (car le normand est une langue riche et parfois complexe, n’est-ce pas ?). D. Bourdelès

 

  • La Hague, men pais (2017)
Un nouveau livre d’Alphonse Allain, c’est toujours une belle surprise. D’abord parce la richesse et l’originalité de son vocabulaire et de ses tournures en normand surprennent encore et toujours. Ensuite parce qu’il nous raconte des histoires vraiment originales, des anecdotes du coin. Dans ce 12e recueil personnel et épais (255 pages), tous les textes et poèmes sont traduits en français au ligne à ligne, une bonne façon d’apprécier et d’apprendre le normand sans mal ! D. Bourdelès

 

    • Boujou à touos (2019)

Notre infatigable auteur ne posera jamais le crayon ! A 95 ans, voici donc son dernier livre. Quasiment 300 pages. Des nouvelles, des poèmes, des phrases magnifiques dans ce normand de Cherbourg qu’il câline et fait chanter. On le sait, Alphonse fait partie des grands auteurs normands qui alimentent le répertoire de chansons de Magène. On retrouvera d’ailleurs une de ses créations mise en musique dans notre tout prochain CD. Dans ce livre, tous les textes sont intégralement traduits en français, ce qui facilite leur compréhension. Laissez-vous toutefois aller à la musique naturelle des mots normands qui racontent la vraie pensée de l’auteur.
Daniel Bourdelès

 

    • Je chaunte ma presqu’île (2021)

Dans ce beau livre, Alphonse Allain chante une nouvelle fois sa région. C’est encore et toujours une passion qu’il nous transmet magnifiquement.
La Hague, ses souvenirs personnels, sa vie au quotidien, tout est ici en couleurs. Alors, on ne s’ennuie pas une seconde à se promener avec lui.
Il y a tant de sentiments à partager dans cet incroyable territoire à l’écart des grandes routes.
Alors, suivez le poète !

Daniel Bourdelès

Ce livre est disponible dans certains points de vente de l’agglomération de Cherbourg.

Côtis-Capel - 34 titres

Textes mis en musique
et chantés par Magène :

Le rot de la mé
La mâove
Daunchent files et garçons
Rouogie du sei
Abres
Dauns men prêchi
Ma vie coume eun baté
L’ébrai

Le baté a ma
Jobouorg
Marie Digard

Boués-jaun
Péris en mé
Dors-tei

 


A touos vents
Les bochus
Men frère
Coume la mé
Nous mans

 


La caunchon du vent
Les diries de la mé
Vas-tu vyins-tu
La mort du baté
Ma mère
La mé tréjous

9 titres du CD “La Hague”

Côtis-Capel (1915-1986) fait partie, avec Marcel Dalarun et Alphonse Allain, des plus grands poètes en langue normande contemporains. De son vrai nom Albert Lohier, il fut à la fois pêcheur, puis gérant de coopérative de pêche, prêtre et écrivain. Cette existence à plusieurs facettes lui donna la faculté d’observer la vie de ses semblables avec un regard profondément humain. C’est pourquoi son oeuvre (5 recueils édités) est si attachante. Magène a mis 25 de ses textes en musique. Les oeuvres du poète demeurent présentes dans tous les enregistrements du groupe.
L’abbé Charles Cerisier, qui fut l’ami très proche du poète, a insisté sur sa dimension humaine, sa foi au service de ses semblables, son engagement social. Son livre “J’ai gardé le cap” nous apprend beaucoup de choses sur cet homme hors du commun, un cas unique de prêtre marin poète ! DB

 

Alex Boivin, journaliste, nous apporte les précisions suivantes sur la photo ci-dessus :
” Elle a été prise au mois d’août 1982, lors de la kermesse d’Urville-Nacqueville. Curieusement, Albert est devant l’école d’Urville, que l’on baptisera, quelques années après, école Côtis-Capel. “

 


“Côtis-Capel incarne la démonstration de l’écrit littéraire dans la langue d’ici, le parler “prêchi” dans le respect de son authenticité et de son histoire, de ses mots qui résonnent tant pour la terre que la mer avec une qualité des textes forte et une puissance dans son écriture. Il était aussi homme de conviction, il était poète, écrivain, prêtre, ainsi qu’un ardent défenseur de causes et à l’origine de nombreuses actions locales.
En 1939, Albert Lohier a vingt-quatre ans, et ses premiers écrits portent la signature d’A. Costi. Douze années plus tard, paraissent “Rocâles” sous le nom de Costis-Capel. Cette parution est un succès. Puis en 1965, avec “A gravage”, il adopte définitivement le pseudonyme de Côtis-Capel. Suivent “Raz-Bannes” en 1970 et “Les Côtis” en 1985. Décédé l’année suivante, la nouvelle “Ganache, lé vuus pêqueus” paraîtra en 1987.
Dans la grande et belle salle de l’Espace culturel, et devant un public venu nombreux, Yannick Bonnissent, accompagné par Christophe Riegler, et le groupe Magène avec Théo Capelle, sur une présentation des textes par Georges Godet, ont offert un beau voyage dans “la langue de chez nous” aux travers différentes thématiques comme la lande, la mer, le vent, le bâti local, le bois, les gens d’ici. Sensibilité et émotion ont ainsi servi de fil rouge à ce bel hommage à Côtis-Capel et à la Normandie.”

Ph. Quevastre, la Presse de la Manche, sept 2017.    

Il y a des bonhommes qui meurent et ne sont jamais vraiment enterrés. Il y a des gars à sillage. Albert Lohier a mis ” sac à terre ” voilà longtemps. Il s’est éteint en 1986. Et pourtant, beaucoup pensent encore à lui, dans le Cotentin, le petit pays fiché en mer, à la proue du monde. Certains le chantent. D’autres le récitent. Des étudiants en dialectologie normande de Caen décortiquent ses six ouvrages, tous écrits en patois de la Hague. Jamais avant lui on n’avait aussi bien agencé les mots, les tournures, les images dans cette vieille langue.

François Simon, Ouest-France 24 mars 2008.    

Alain Lambert, qui a lui aussi bien connu Côtis-Capel,
nous confie un témoignage intéressant :

Quiqu’mots ryin qu’pouor dyire que cha m’a fait byin du pllaisi d’arrivo sus l’site de Magene, d’vei si y a du nouvé ou pais, d’ouir lus caunchouns, et itou la voué du pèr’Louis en train d’luure l’pouème dé Côtis-Capé, l’rôt d’la mé. ( Parait qu’pouor des histouères de dreits, no n’pouorra pu ouir chu pouème lo sus l’site de Magène, ch’est byin dommage, ne trouov’ouos po, les amins?)
Aundré Louis, l’était mon maît’d’école en CM2, à Tchidbouorg, un maît’ byin républlicain qui nous r’prénait quaund no dysait des souliers “neus”, mais qui tcheu li fachonnait l’premyi roman en loceis (“Zabeth”, réédité aux Ed. Le Lanchon en 1999), qu’j’avaons luusu, les geins d’ichin, un miot pus tard avec graund pllaisi et graund’fyirti.
L’annae du bachot, si j’m’en souovyins byin, d’aveu l’amin Jeaun Pyire Mabire, j’allions à l’UPC, mais pô à Caen coume achteu. Ryin à vei, ma fei d’du! Ch’était vers 1973, l’université populaire du Cotentin, à Tchidbouorg, d’aveu l’père Louis et Côticapé, où j’appenions un p’tit miot du loceis d’mes Graunds et d’ma couseine Louise, de Theurtéville, qui n’préchait qu’en patouès quand no la visitait, ch’tilo du Val dé Saire, y où qu’no prêche la fin des verbes en “o”.
Je m’souovyins itou que j’passo vei Côtis-Capé à son travâ à Socopêche, sus le qu’min pouor allo tcheu mei, juste amprès l’pont touornaunt, par chi par lo pour dyire boujou. L’père Louis m’avait corrigé déeus-treis pouoèmes que j’avais fait alors et publié “La faête à la ville” dans le PTPN dl’a Noué 1973. J’peux byin l’ retrouovaer pouor eun préchain couop.
Pis j’soumes partis d’nout’Cotentin, Jeaun Pyire pouor alla sus Paris, mei sus Caen où j’syis tréjouo. Mes Graunds et ma couseine Louise sount passos, mais j’garde un p’tit miot d’men loceis pouor l’pllaisi, l’pp’tit miot qu’j’ai apprins de ch’temps lo.Vouol’ouos byin m’pardounnaer les faôtes.
Boujou et à byintôt. Allan Laimbert – avril 05

Joseph Mague - 14 titres

CARTES POSTALES ANCIENNES

avec des textes en normand

Joseph Mague

Joseph Mague (1875-1940) est né en Bretagne de parents normands mais a grandi et vécu à Bayeux et dans la Manche. Il est mort à Saint-Pair/Mer en 1940 où il a demeuré pendant plusieurs années. Nous savons peu de choses sur lui. Il était fonctionnaire des Contributions Indirectes et semble avoir été impliqué dans la vie littéraire de sa région. Ses “Chansons du Bessin”, publiées en 1912, regroupent 24 textes de bonne facture qui ont illustré des cartes postales aujourd’hui assez recherchées. On a pu lire dans un ouvrage de l’époque qu’il a obtenu le prix Botrel aux Assises de la Pomme !

“Ses poèmes sont écrits dans un langage caractéristique du Bessin. Ils décrivent les hommes et les femmes du pays, surtout les petites gens, avec justesse et tendresse. Trois seulement de ces textes présentent un ton humoristique.
L’oeuvre de Mague est un véritable document ethnographique sur son terroir et son époque : il décrit les petites gens, leurs coutumes, et reflète l’esprit dans lequel ils vivaient.” Alain MARIE

Son texte “la p’tite servante” a été enregistré sous le titre “la louerie” dans notre 3e album auquel il a donné son nom. “La dentélyire” a été interprétée sur France3 par Théo Capelle et porte le titre de notre 12e album.
Enfin, en 2013, nous avons consacré un album entier (12 titres) à cet auteur attachant. Ce CD porte le nom d’Angelina, une jolie normande dont il se moque un peu mais qui l’émoustille tout de même…

Plaque déposée sur la tombe du poète par les associations normandes le 8 avril 2014 au cimetière Saint-Paul de Granville

Daniel Bourdelès - 6 titres

Textes chantés par Magène :
La mérianne
L’anordie
Tertous lenreit
 (repris sur CD ” La Normandie ” Editions Pluriel)
Je m’en vas en Irlaunde (version en normand du tube des Albert’s)
Frélaumpyi
La Neire Mâove

© photo J.C. Léger

♦ Cofondateur de Magène et concepteur du site de l’association

♦ Auteur-compositeur. Production enregistrée :
21 albums et CD pour Magène (en normand) et les Albert’s (en français)  principalement. Chansons pour Badlabecques (Jersey) et les Marins du Cotentin.
Chansons pour enfants “Les grosses misères de Petite Pomme” par Eugénie.

♦ Fin des années 60 (ado) : premières chansons (oubliées)
et 1ère partie, à Yvetôt, du père Bernard Alexandre (auteur du “Horsain” – 1918-1990)

♦ Années 70 : premières parties des spectacles de Lény Escudéro, Anne Vanderlove, Nicolas Peyrac, Paul Préboist, Jacques Debronckart et Hubert-Félix Thiéfaine. Sortie d’un 33 tours personnel (“Le futur Noé”, voir ci-dessous).

LIENS DE TELECHARGEMENT
Voici quelques sites où vous pouvez télécharger
les albums de Daniel (en français). Cliquez :

♦ CD “Les grosses misères de Petite Pomme”
     Chansons pour enfants interprétées par Eugénie

chez Charts in France

chez Amazon

chez Itunes

chez Emusic

chez Deezer

♦ CD “La mémoire du ciel”
     CD/spectacle commémoratif sur la libération
de Carentan et de la Normandie (DDay)

chez Amazon

chez Itunes

chez Deezer

♦ CD “Le futur Noé”
     Seul CD personnel

chez Amazon.

chez Itunes

chez Deezer

L’anordie
( l’anordie est un coup de vent du nord )

O sé freule, l’anordie,
sus les terres mouillauntes.
L’entends-tu ?
J’entends ryin
qué des riles qui chauntent
alentou de noute ratyire.

Et ches houmes écrignis
qui boulechânent les frontyires
pou nous duire ?
J’entends ryin
que nous files qu’écalent dé rire
en coumptaunt leus panettes.

j’entends chu mounde erganne
qui tire à couort-fêtu
sen avenin !
Ten auntianne
dé mâotures à pis-pus,
cha n’est qué l’anordie,
matina, freide à l’hus,
Cha n’est qué l’anordie.

Elle se bat, l’anordie
sur les terres humides.
L’entends-tu ?
Je n’entends
que des brises qui chantent
autour de notre maison.

Et ces hommes échevelés
qui bousculent les frontières
pour nous soumettre ?
Je n’entends
que nos filles qui éclatent de rire
en comptant leurs taches de rousseur.

J’entends ce monde aigri
qui tire à courte-paille
son avenir !
Ton rabâchage
de malheurs sans fin,
ce n’est que l’anordie,
levée tôt, froide à la porte,
ce n’est que l’anordie.

Georges Métivier - 5 titres

Textes chantés par Magène :
Men rouet, mon Dou, coumme il allait !
Le prinseus
Dauns les orges de Sant-German
Enterrement
Marioun

 


Georges Métivier (1790-1881) est le plus célèbre auteur de Guernesey. Il a publié 3 ouvrages de poésie et un dictionnaire franco-normand (d’ailleurs utilisé par Victor Hugo). Sa vie pourrait être mise en film tant elle fut riche de péripéties et de rencontres (lire R.J. Lebarbanchon). D’une culture phénoménale, solitaire et romantique, il fut le premier des auteurs normands de l’époque contemporaine à écrire dans sa langue natale en 1831, date de la publication des “Rimes guernesiaises”.
Les textes de ce bon vivant qu’était Métivier sont sensibles, finement humoristiques et souvent d’inspiration champêtre. Naturellement chantants, ils ont la particularité d’être facilement adaptables en musique. Ce grand aîné fut une référence pour Rossel, lequel incita Beuve à écrire, lequel incita Cotis-Capel à faire de même… La littérature normande est visiblement une histoire d’exemples ! A l’instar de Cotis-Capel, Métivier est un auteur incontournable pour le groupe Magène. D.B.

 

6 textes de G. Métivier ont refait surface dans un CD produit …aux Etats-Unis ! Parmi les 24 titres de ce disque, quelques instrumentaux traditionnels traités dans un style baroque et de nombreuses chansons du répertoire traditionnel de Guernesey. Certaines d’entre elles sont chantées sur d’authentiques mélodies moyen-âgeuses. Des airs à danser alternent avec des jeux chantés et des ballades. Tous les textes sont en guernesiais.
On doit ce petit bijou à Andrew Lawrence-King, un chef d’orchestre et soliste né à Guernesey, qui réalise ici un somptueux travail d’adaptation et d’arrangement, bien servi par Clara Sanabras (soprano), Paul Hiller (baryton) et d’excellents musiciens. D.B.
“Les travailleurs de la mer” par The Harp Concert. Produit par Harmonia Mundi. 76 mn. Disponible partout.
Rémi Pézeril - adaptations

Cofondateur de l’association Magène, Rémi est aujourd’hui son animateur privilégié. S’il n’écrit pas de textes pour la production discographique, il traduit et corrige inlassablement ceux qui sont produits par les auteurs des associations, ce qui garantit leur qualité. Professeur d’histoire, lui-même enseignant en normand au collège des Pieux, il est à l’origine de multiples projets régionaux souvent conduits avec des associations locales ou avec ses élèves. Parmi ses réalisations, citons une exposition sur la langue normande (qui a obtenu le prix littéraire des Communautés Normandes), un recueil pédagogique : “Vous avez dit patois ?” et un ouvrage important : “1939-1945, l’Europe brisée” qui recense des témoignages inédits relatifs à la dernière guerre (en vente à la FNAC). Enfin, son ouvrage intitulé “Le parler normand” est directement lié à nos activités.
Il a aussi été le maître d’oeuvre de la grande Fête Normaunde de Bricquebec qui s’est tenue en mai 2007 et qui a connu un solide succès.
Rémi intervient également sur l’antenne de France Bleu Cotentin où il tient une chronique hebdomadaire en normand, chronique fort appréciée par les auditeurs. Il a ainsi enregistré plus de 1000 chroniques !
Enfin, il est président des Amis du Donjon et anime la revue La Voix du Donjon éditée par cette association et dont nous parlons régulièrement dans ce site.

parler normand

Augustus Asplet le Gros - 4 titres

Textes chantés par Magène :
Les vraicqueux
La petite Hérounde
Le marignier
Margot

Ce fermier de Jersey (1840-1877), juge à la cour Royale et connétable de Saint Pierre, écrivit un certain nombre de chansons qui constituent de subtiles descriptions des mœurs de son époque. Son œuvre n’a jamais été regroupée. Ses textes, aux vers bien équilibrés, sont très agréables à mettre en musique.

Gaspard Brey - 4 titres

Textes chantés par Magène :
Men vuus douet
Sus le rivage
Le petit ouésé
Qui temps !

Gaspard Brey (1923-2005) est originaire du Val de Saire. Il vivait à Fierville-les-Mines au moment de sa retraite et participait aux réunions du groupe “Prêchi Normaund” de st-Georges. C’était un personnage très intéressant, voire passionnant, sachant dire les choses simplement. O. Buttet

 

 

 

 

Eun sei d’hivé
Ch’est le sei ! La nyit cache le jou !
Dauns la chimenaée, no rabûque,
No rémôque, no digoune le feu,
Le syin qui rouogit dauns l’âtre,
Et pis le syin qu’est en dedauns,
Dauns noute quœu !
Ch’est lo que se mêlent bouonheus et malheus de la vie.
Le sei, cha rémôque des idaées
Qui vous happent sauns le vouli !
Les v’là qui nous révilent !v Ch’est coume eune mé qui ramounte
Et qui quérie de la broe et le rafrot du temps !
Devaunt le feu, no sent que no revit !
L’arryire-saisoun peut venin.
Le bouonhoume hivé peut mountraer sen naez,
Aveu l’iâo qui capuche sus la crouésie
Et le vent qui jonflle dauns la chimenaée,
Et la freid qui nous rend bâobe !
Pouortaunt, coume disait ma graund-mère :
« Qui freid qu’i fèche,
Dauns ten quœu, ya tréjous eun petit solé qui se déhale,
De la chaleu et du revi à dounaer
Oû syin qu’a pus freid que tei ! »
Veire, dauns la chimenaée, guette sous la chuque,
Ya enco de la braise
Mais guette byin dauns ten quœu
Ya petête enco eun miot de chaleu !
Magène byin quiqu’eun en a besouen :
Doune-li eun petit récâod !
Viy-ous, la nyit no creit que tout dorvâle
Mais nennin, noute chervé travâle.
Ch’est la nyit que no veit le muus la lumyire,
Ch’est la nyit que no veit cllai en dedauns de sei,
Ch’est la nyit que les pus belles idaées
Vous daunchent dauns la tête !
La nyit nous enfroume paé,
Ol ouvre les crouésies de la vie !
En rapsâodaunt tout chenna dauns ma pouore tête,
Je creis byin que ma laumpe est sus le bas.
Dauns la chimenaée, la chuque est pus que chendre.
Men quœu s’ébâobit
Mes urs s’embuent !
Cha y est ! Je creis byin que je vas m’endormin.

Coume mei, bouones gens, passaez eune bouone nyit !
Deman, à la crique du jouo, fâora s’évilli.
En vous déjuquaunt, vos seraez pllens de santaé
Pouo mouogi la vie à graundes goulaées.
Criyiz-mei, après la nyit, cha sera seurement
Eune byin belle journaée !

Fernand Lechanteur - 3 titres

Textes chantés par Magène :
Manoun des Hâots-vents
Es set vents
Les petites gens

Fernand Lechanteur (1910-1971) fut professeur d’allemand (agrégé en 1939), proviseur du lycée Le Verrier de Saint-Lô, puis du lycée Malherbe de Caen. Linguiste de réputation internationale, ardent militant de la défense de la langue normande, il mit au point l’orthographe normande unifiée qui fait toujours référence aujourd’hui. Il fut le fondateur, en 1968, de l’association “Parlers et traditions populaires de Normandie”.
Il fut aussi poète sous le pseudonyme de Gires Ganne. Si sa production poétique est fort qualitative, elle est toutefois limitée, car inachevée. Ses oeuvres ont été rassemblées dans un seul volume, “Es set vents du Cotentin”, paru en 1972.
Par ailleurs, un mémorial créé à la pointe d’Agon (Manche) en 1976 évoque son souvenir. Il symbolise une embarcation de pierres levées, telles que l’on en remarque encore dans les pays scandinaves.

 

 

A la mannyire dé Gires Ganne

V’chin déeus pouèmes de Gires Ganne : Jaunvyi et Févryi. Noute pouête d’Agoun avait dauns l’idaée de pairaer eun pouème par saisoun, mais sen trépas bruta en 1971 l’a empôsaé de finin. No-z-a mais que Jaunvyi, Févryi, Juin (Les graunds quertis chergis d’mouéjâle…) et Novembe (Eun houme, avâo les caumps…).

Ch’t’ouovrage demeuraé dauns-par-où, ya-t-i quiqu’eun qu’ouserait l’aquevaer ?

Oh-mais ! Cha n’est brin quemode !! Et pis no-z-a-t-i le dreit de faire du tort oû graund maîte ?

Veî, ch’est reide seur, no peut dire cha, mais je vous câotioune -pou l’avaer couneu- qu’i nous érait byin encouragi à essayi. Cha li pllaisait de veî que des étudiaunts seient intéressis oû normaund, la laungue normaunde qu’i disait. Ses étudiaunts en dialectologie à l’université de Caen ‘taient ses ammins sauns faire pus d’embarras, même coume mei si j’étiomes paé byin savaunts en “linguistique”.

Alors n’ayiz paé poue d’ trachi des mots qui s’amouchèlent byin.
Fâot avaer eune bouone idaée magène : de quei qui vous armue oû dedauns de vous…
La graphie ? No peut tréjous s’en dépatouilli !
Luusaez ches déeus pouèmes, vos seraez surgoulaé !
Rémin Pézeri

Jaunvyi

Eun mâovais rile
Souffle d’ Nord-Êt
Et le bout des deigts
I vous brésile

Les caumps s’alouègnent
Souos l’cyil en fé
Coume bouguie d’freid
Eune vuule caunfouène
Drèche sa chimenaée
Qui n’a pus d’feu ;
D’minsère et d’deu
Ch’est eune journaée.

Touot counte la neue
Eun âbe siqui
A l’air pllaqui
Coume eune croué neue.

Eune pouore graund mère
(Iyoù qu’o va ?)
Coume eun vuus queva
Marche la terre.

Eune pie qui passe
Égache la mort.
Dites-mei de qui bord
Quiqu’eun trépasse ?

Les pouores gens plleurent ;
Deryire lus ridiâos
Coume des ouésiâos
Les vuules gens meurent.

Jaunvyi 1951

Févryi

L’ cyil est gracieus coume eune herche
Et le temps douochâte coume du gârot.
La vuule graund mère qué le silenche berche
Suffâque et guette pa les carreaus.

Ryin dauns les pyiches, ryin dauns la cache,
– l’ Bouon Dieu pleume ses ouées à leisi –
Et oûssi louen coume sen u trache
O n’ veit âme vive achteu maisi.

La touo dé l’égllise digue toute dreite
Et souos le co qui guette él hâot-su
Ya eune empalauntaée d’câovettes
Neires coume des môques dauns du lait su.

La neue coume eune pouque étrillie
Dérouole la nige en graund doublli
Et la bouone fème triste et faillie
Pense oû drap qui deit l’enséveli.

Dormi, mouori, qui différenche ?
Quaund nou sert pus vâot muus yête mort.
Bouguie deryire la crouésie toute bllaunche
La pouore graund mère haoute et s’endort.

Févryi-octobe 1951
Aquevé lé jou du Byinhéreux Thoumas.

Franck le Maîstre - 2 titres

Textes chantés par Magène :
Rigodon de chorchellerie
La bouaissie
Rigodon de chorchellerie
La bouaissie

Franck Le Maistre (1910-2002), éminente personnalité de Jersey, a consacré sa vie entière à la promotion de la langue jerriaise. Cet ancien fermier, autodidacte passionné, est l’auteur d’un monumental dictionnaire jerriais-français (paru en 1966) qui lui valut des distinctions européennes peu communes: membre de l’Académie Royale de Suède, Officier de l’Empire Britannique, Docteur honoris causa de l’Université de Caen… F. Le Maistre a aussi beaucoup écrit, en vers et en prose, sur la vie et les coutumes de Jersey et son euvre d’écrivain constitue un témoignage précieux. Magène a mis en musique 2 de ses textes dont l’extraordinaire ” Rigodoun de chorchellerie ” qui fut un des temps forts du premier disque du groupe.

Pierre Guéroult - 2 titres

Textes enregistrés par Magène :
Le rouoge-gorge
La pouore vuule folle du Bouon-Sâoveu

Pierre Guéroult (1890-1962) naît à Pont-l’Abbé-Picauville. Le second mari de sa mère (son père meurt lorsqu’il a 5 ans) chante allègrement du Rossel et le petit Pierre grandit avec les chansons du maître cherbourgeois. Pour l’anecdote, il deviendra plus tard président de l’association Rossel.
Il est nommé instituteur à Valognes et s’engage dans la vie publique. Il est adjoint au maire de Cherbourg pendant une dizaine d’années.
Ami d’Alfred Noël, il écrit des chansons, des poésies, des contes et des pièces de théâtre, maniant toujours sa langue natale avec virtuosité. “La pouore vuule folle du Bouon-Sâoveu” est un des chefs d’oeuvre de la littérature normande.
Une association, “les Amis de Pierre Guéroult”, a réédité ses ouvrages. D’un point de vue dialectal et créatif, son oeuvre est remarquable, tout en restant populaire. Marcel Dalarun le considère comme l’un des tous premiers auteurs de la littérature normande, avec Côtis-Capel.

Marotène

” O se noumait Mareie, mais no disait pus souovent : Marote, ou byin Marotène. Ses gens faisaient vali eun miot de terre à louage d’aveu treis vaques, chinq berbis, eun quétoun pouor alaer traire et eune trie couchounyire. I ne falait paé restaer les déeus pyids dains le même chabot pouor entretenin lû chinq quenâles: treis files et déeus garçouns. Phrasie, la mère, faisait touot dains la maisoun, car i n’avaient paé les moyans de se payi eune basse. O panageait les éfaints, puchait sen linge et le ramarait, lavechinait la vaisselle, triait les vaques et les tiérait. O n’avait paé le temps de laintounaer, criyiz-mei! Ryin ne tronnait dains la maisoun. L’aire était baliaée dès pétroun-jaquet, et no ne s’sait miraé dains les connes et les câodrouns du vaisselyi. Ch’était eune fème de bouon sens et de raisoun coume i n’en mainque paé par tcheu nouos.”

Pierre Guéroult, Contes et Récits, tome 1, 250 pages. Editions OCEP, 50200 Coutances, 1978.

La pouore vuule folle du Bouon-Sâoveu

R’mountouns l’temps, vouolous ? Louen d’annyi
………………………………………………………………
J’i syis auns, et lyi* pus d’seissaunte ;
Touos les matins, sus mei, o s’caunte*
Pouor mette eune peire* dauns men pannyi.
……………………………………………………
La v’là doun, la v’là, la pouore folle,
La pouore vuule folle du Bouon-Sâoveu !
D’iyoù qu’ol est ? Je l’i jammais seu !
Sen noum ? Je l’i jammais couneu !
……………………………………………………
Quaund j’passe en m’n allaunt à l’école,
O1 est tréjouos* oû bord du qu’min,
Dreit juste oû bas d’ l’Amount-Bertin,
Croquie*, touote menûn, mais proprette
Et les déeus mans dauns ses pouquettes*
Les pouquettes d’sen devaunté* blleu ;
O fait eun pas,… déeus pas, …o guette*
D’vaunt lyi,… derryire,… à gâoche,… à dreite…
Qui doun qu’ol attend ? Qui qu’o veurt,
La pouore vuule folle du Bouon-Sâoveu ?
………………………………………………………
Ol a d’graunds urs* souos sa capelène,
D’s urs qu’ount paé l’air dé vous veî…
Mais fâot paé creire qu’o seit malène*
Car ol a brin* l’regard mâovais.
O trache* quique seit sus la graund rouote ;
O trache, veire* ! et pis ol écoute :
V’là eun quertyi* qui vyint là-bas…
V’là Maîte Victor et ses déeus gâs…
V’la l’bouochi… V’là l’vétérinaire…
V’là l’cabriolet du notaire…
0 s’apprèche et lus dit: “Moussieu…
L’avouos veu, Moussieu, l’avouos veu ?”
Mais i passent fraunc et la vuule mère
Braunle la taête d’eun air dé minsère…
Qui doun qu’ol attend ? Qui quo veurt
La pouore vuule folle du Boun-Saôveu ?
…………………………………………………
“Fâot li dire : “I vyint”, qu’dit ma mère
Quaund o t’demaund’da : “L’as tu veu ?”
Et jé maunque paé jammais dé le faire,
Malgré qu’ j’en aie byin graos sus l’quoeu
Je lyi rapporte en revenaunt de l’école
Des bâoquets d’pervenches ou d’promioles*
O me dit : “Merci, men petit fisset,
T’es genti, vyins-t’en qué j’ t’embrache !
Il ‘tait coume tei, touot petiotinet :
I me trachait des flleurs dauns les caches*.
Ch’est li qui fait eun biâo soldat !
Fâora que tu le veiges quaund i revyinra.
Tu s’sas d’neuche* la semanne d’ampraès Pâques
Qu’i prenra la file à Maîte Jacques ! …”
………………………………………………
Vo vous douotaez, magène, achteu,
Dé c’ qu’ol attend, et dé c’ qu’o veurt,
La pouore vuule folle du Bouon-Saôveu !
………………………………………………
Coumbyin qu’ol en a-z-eu, d’s épreuves !
A trente auns, ol ‘tait restaée veuve !
O s’ sacrifyit pouor sen garçoun
Elevaé coume eun gâs d’graund maisoun :
” Men fisset, men câlin, men quenâle,
J’i que tei, ch’est pouor tei qué j’travâle
Et si i falait qué j’ té perdis,
Fâorait itou, veire ! qué j’ m’en âle !… “
Hélos ! bouones gens, en seissaunte dyis*,
I feut tuaé dauns les tchurassyis…
Quaund o seut la triste nouovelle,
O1 en devint estropiaée d’chervelle* !
Sen gâs tuaé ? Jammais ol y a creu !
Ch’est li qu’ol attend, li qu’o veurt,
La pouore vuule folle du Bouon-Saôveu
……………………………………………..
Coumbyin, dé d’pis, qu’ no-z-en a veu
De ches pouores fèmes, de ches pouores mères,
Qu’ount plleuraé, rapport à la guerre.
Coumbyin que no-z-en verra enco ?
Qué l’mounde est baête ! Qué l’mounde est fo !
Quaund qui qu’no s’sa traunquile sus terre ?
Il a doun paé pityi, l’ Bouon Dieu,
Des pouores vuules folles du Bouon-Sâoveu ?

Pierre Guéroult 1952

La pauvre vieille folle du Bon Sauveur

Remontons le temps, voulez-vous ? Il y a très longtemps
………………………………………………………………………
. J’ai six ans et elle plus de soixante
Tous les matins, elle se penche vers moi
Pour déposer une poire dans mon panier
La voilà donc, la voilà la pauvre folle
La pauvre vieille folle du Bon Sauveur !
D’où est-elle ? Je ne l’ai jamais su !
Son nom ? Je ne l’ai jamais connu !

Quand je passe en partant à l’école
Elle se trouve toujours au bord du chemin,
Juste en bas de l’Amont-Bertin,
Voutée, toute chétive, mais propre
Et les deux mains dans ses poches,
Les poches de son tablier bleu,
Elle fait un pas…deux pas… elle regarde,
Devant elle, derrière, à gauche, à droite
Qui donc attend-elle ? Que veut-elle,
La pauvre vieille folle du Bon Sauveur ?

Elle a de grands yeux sous son chapeau,
Des yeux qui n’ont pas l’air de vous voir…
Mais il ne faut pas imaginer qu’elle soit méchante
Car elle n’a pas du tout le regard mauvais.
Elle cherche quelque chose sur la grand route ;
Elle cherche, oui, et puis elle écoute :
Voilà une charrette qui vient là-bas…
Voilà Maître Victor et ses deux gars…
Voilà le boucher, voilà le vétérinaire…
Voilà le cabriolet du notaire…
Elle s’approche et leur dit : “Monsieur…
L’avez-vous vu, Monsieur, l’avez-vous vu ? “
Mais ils passent sans s’arrêter et la vieille mère
Secoue la tête d’un air misérable…
Qui donc attend-elle ? Que veut-elle
La pauvre vieille folle du Bon Sauveur ?

” Il faut lui dire : Il arrive “, m’a dit ma mère
Quand elle te demandera : ” L’as-tu vu ? “
Et je ne manque jamais de le faire,
Bien que j’en aie bien lourd sur le cœur
Je lui rapporte en rentrant de l’école
Des bouquets de pervenches ou de primevères
Elle me dit : ” Merci, mon petit garçon,
Tu es gentil, viens que je t’embrasse !
Il était comme toi, tout petit :
Il me cherchait des fleurs dans les chemins.
C’est lui qui fait un beau soldat !
Il faudra que tu le voies quand il reviendra.
Tu seras de mariage la semaine après Pâques.
Il épousera la fille à Maître Jacques ! “

Vous vous doutez, bien sûr, maintenant,
Qui elle attend et ce qu’elle veut,
La pauvre vieille folle du Bon Sauveur !

Combien en a-t-elle eu d’épreuves !
A trente ans, elle était restée veuve !
Elle se sacrifia pour son fils
Elevé comme un garçon de grande maison :
” Mon petit garçon, mon câlin, mon enfant,
Je n’ai que toi, c’est pour toi que je travaille
Et s’il fallait que je te perde,
Il faudrait aussi, oui ! que je disparaisse ! “
Hélas ! Braves gens, en soixante-dix,
Il fut tué dans les cuirassiers…
Quand elle apprit la triste nouvelle,
Elle en devint folle !
Son fils tué ? Jamais elle n’y a cru !
C’est lui qu’elle attend, lui qu’elle veut,
La pauvre vieille folle du Bon Sauveur

Combien depuis en avons-nous vu
De ces pauvres femmes, de ces pauvres mères,
Qui ont pleuré à cause de la guerre.
Combien en verrons-nous encore ?
Que le monde est absurde ! Que le monde est fou !
Quand serons-nous tranquilles sur terre ?
Il n’a donc pas pitié, le Bon Dieu,
Des pauvres vieilles folles du Bon Sauveur ?

Charles Lemaître - 2 titres

Textes chantés par Magène :
Défunt men père
Ch’est men dreit

Fort populaire dans le Calvados, Charles Lemaître (1854-1928) nous a légué quelque 190 textes qui ont été regroupés dans plusieurs recueils. Fin observateur des moeurs de son temps, malicieux à souhait, ce bon vivant fit le tour de toutes les bonnes estrades du département pour y conter ses histoires, souvent drôles, parfois un tantinet grivoises. Claude Chaumont a entretenu la mémoire de son oeuvre en contant ses textes. Le collège d’Aunay-sur-Odon porte le nom de cet illustre personnage. Si vous souhaitez en apprendre beaucoup plus sur la vie et l’oeuvre de ce personnage attachant, vous pouvez lire ci-dessus l’article que je lui ai consacré dans la revue “Le Viquet” (numéro 123, avril 1999). Attention: cet article n’est pas fac-similaire de l’original. Il y manque les photos et quelques autres compléments. Daniel Bourdelès

 

Alphonse Poulain - 2 titres

Textes dits sur le CD Veillie normaunde :
Alphounse oû football
Souovenaunche

Membre de l’association Prêchi Normaund, décédé en 2019, Alphonse Poulain fourmillait d’idées originales. Il a produit de nombreux textes, majoritairement comiques, mais aussi d’inspiration poétique, comme le texte “La mé” ci-dessous. La précision des descriptions, l’habileté du récit et la qualité des chutes le situent parmi les meilleurs auteurs de notre époque.

Dans le canton de Barneville, Alphonse est connu pour ses histoires normandes. Des histoires qui se transmettaient de génération en génération, venues de la nuit des temps, connues avec des variantes dans et au-delà du Cotentin.
Depuis 1998, le groupe de Prêchi normaund se réunit une fois par mois à St Georges-de-la-Rivière. Viscéralement attaché à sa langue maternelle, Alphonse Poulain est un fidèle et il enchante nos soirées. Invariablement, pendant des années, pour notre réunion de St Georges, il a couché consciencieusement, sur ses grandes feuilles de bloc, toutes ses histouères rêvablles. Et l’assemblée savoure: « Les loopings, la feire de Caen, le Q de Catherène, le houmard, le vélo à Louis » deviennent des « classiques ». Chacun retrouve avec ravissement ces histoires de tradition orale. Alphonse se révèle détenir un précieux patrimoine. Il nous transmet le rude quotidien, les habitudes, l’amour de la terre, les distractions, les tournures d’esprit, les farces de nos aïeux et surtout il nous livre un patrimoine linguistique inestimable: la langue normande. Une langue maternelle dont l’écrivain-conteur manie avec bonheur les tournures et le vocabulaire.

Du conteur à l’écrivain
Outre son talent indéniable de conteur, l’homme va aller plus loin. Petit à petit, encouragé et guidé par Marcel Dalarun, grand défenseur de langue normande, il créé ses propres textes. Des histoires variées dans lesquelles l’humour garde toute sa place mais également des textes émouvants, des réflexions sur le monde contemporain. De la prose bien sûr mais aussi de nombreux poèmes.
La variété des thèmes abordés est à l’image de l’individu aux multiples talents cultivant un amour immodéré pour le Cotentin.” C’est ce qu’écrivirent ses amis en préface du livre paru en 2012. Rémi Pézeril

Histouères rêvablles (2010)

En Cotentin, le conteur est bien connu depuis des décennies mais n’avait pas encore publié ses meilleures histoires : c’est chose faite avec ce livre très attendu. On y retrouve l’atmosphère du conteur, son humour, sa poésie. Dans la préface du livre, Isabelle Lequertier montre bien la richesse du propos. On ne s’ennuie pas un instant à la lecture de ces histoires particulières et originales. Le livre tient toutes ses promesses. D.B.

 

 

 

 

 

 

La mé

Touot petiot, la mé m’a happaé. Duraunt la guerre, j’avais eune douozanne d’annaées, eune vuule taunte qu’était eune reide bouone pêquouse me prenait d’acaunt lyi ; cha nous faisait byin treis kilomètes à pyid mais ryin que de senti l’odeu de la mé, no trouvait le quemin court.

En çu temps-lo les roquis couverts de vré muchaient eun tas de coquillages, des aungllettes, des cllo-pouengs, des houmards, des seiches oû meis de mai, des houlins oû meis de juin sauns coumptaer les mènes que les Allemaunds avaient attaquies sus des trépyids en boués fiquis sus la pllage counte le débarquement et qui se trouvaient évalinguies dauns les quéryires. Par bouonheu, ch’était des grosses mènes pou les batés qui pétaient paé facilement. Ma vuule taunte me disait : ” Prêche paé des mènes à ten père, i vourait paé te laissi arvénin “.

Ma taunte est morte et j’i tréjous taé à la pêque: je me sis fabriqui eun hale-croc de pus de treis mètes. J’en i sorti des houmards et des congres ! J’i tendu itou des cordes pou les bars : j’en i prins des biâos de dyis à douze lives et même eun de quinze lives mais achteu les temps ount chaungi ; les roquis sount pelaés coume eune citroule, le vré est rempllechi par eune manyire de graunde ordure qui vyint du diablle bouilli : la sargasse qu’i noument cha ; ch’est juste bouon à vous foute bas quaund no s’empature dedauns mais pouor ratiraer le peissoun, nisquette. I y a itou eune petite pllaunte verte, touote courte; à basse mé no creirait veî eune cllosaée de revouin ; no risque paé de s’empaturaer mais cha grile et no s’artroue soupllement sus le tchu mais tout chenna est vite omblliyi quaund je reninflle l’air salin, l’odeu du vré, quaund le brit des vagues qui vyinent s’endormin sus les roquis me carluse les oyères et la nyit, touot ce que no veit dauns noute pétoche : les petits peissouns qui filent coume eune écllai, les crevettes d’aveu leus déeus graunds urs qui brilent et des couops eun houmard à la goule d’eune houle qui vous guette, la tête appiée sus ses déeus pattes crouésies.

Touot cha mes pouores bouones gens ch’est du bouon-âot, du bouon-âot incriyable et, viy-ous byin, ma fei, même si ma hotte devyint byin trop graunde et que j’i du ma à me racachi, taunt que je vas pouvi, je cacherai à la mé.

Un poète observateur

Alphonse Poulain est décédé en 2019, à l’âge de 88 ans. Le poète de Barneville nous laisse une littérature régionale de qualité, lui dont son ami Marcel Dalarun disait : “Alphonse est un homme posé qui possède un don de l’observation. C’est ainsi qu’il nous décrit des personnages typés et des événements locaux dans un normand parfait avec un vocabulaire précis.”
Alors que ses prédécesseurs en loceis étaient tous journalistes ou enseignants, il est l’un des premiers à écrire en normand sans jamais être allé à l’école. Son école à lui, c’était la vie. Ce fin observateur des petites gens et de leurs misères a appris à bâtir des poésies et des récits en prose dans sa langue maternelle avec ses amis du groupe Prêchi normaund de Saint-Georges-la- Rivière, dont il devint l’un des plus sûrs piliers. Aussi membre de l’association Magène, il a contribué à l’élaboration du dictionnaire français-normand.
Patrimoine normand – Thierry-Georges Leprévost – 2020

Marie Berthe - 2 titres

CD Veillie normaunde :
La fuule que le vent balie
CD Je syis magnifique :
Noué de guerre

Sous son vrai nom, Mireille Tournière, elle animait la rédaction du “Boués-Jaun”, revue éditée par l’association Rossel. Autrefois nstitutrice, Marie Berthe a écrit un petit nombre de poèmes, tous empreints de sincérité et donc fort personnels. Ses vers sont souvent libérés de la contrainte des pieds et des rimes et Marie Berthe a bien voulu adapter pour nous son poignant poème “Noué de guerre”, chanté par Théo Capelle.
L’oeuvre de Marie Berthe en normand est de très grande qualité car elle vivait très fort son engagement dans sa poésie par exemple en incitant les jeunes à écouter des chansons en anglais, mais aussi en normand.
Ayant des origines dans le Centre Cotentin, elle savait utiliser la graphie moderne de notre prêchi qui unit plusieurs parlers plutôt que de les émietter, et ce pour leur donner une nouvelle chance par une littérature du meilleur niveau. Ses activités furent multiples, avec toujours une volonté de faire tout avec soin et précision. R.Pézeri

Noué de guerre

Je syis byin mourmaôde annyi
J’entendouns pus prêchi
Qué dé tueries et de boumbes
Les vuurs sount croquis sus leus toumbes

Sus terre, annyi, ch’est Noué.
Ches mères, qui qu’o vount avaer ?
Ryin qu’ leus quoeu pouor plleuraer,
Ryin qu’ leus urs pouor gimaer !

A ce sei, j’i grâos sus le quoeu.
Louen d’ichin, av’ous veu
Les urs des pouors pétiots
Qu’ount pus mais qué la pé sus les os ?

Sus terre, annyi, ch’est Noué.
Ches quenâles, qui qu’i vount avaer ?
Le sablle pouor s’y couchi,
Le sablle pouor y mouori.

Hyir oû sei, no viyit
Dauns leus maisouns minchies
Des pétiots qui grégeolaient,
Dauns l’s écllais bllauncs qui fouédrâllaient.

Sus terre, annyi, ch’est Noué.
Ches pétiot, qui qu’i vount avaer ?
La poue, tréjous en yeus,
La guerre, tréjous tcheu yeus.

Oû lû qué d’acataer
Dé quei pour sé machacraer
Pouor s’ minchi, s’ brésilli,
Pouor s’ente-capuchi, sé hagui.

Ch’est-i paé muus dé veî
S’ouovri les pouores urs sés
Du syin qui s’achânit
Quaund no li bâle dé dequei mouogi !

Mini-lexique :
mourmaôde = désespérée / croquis = recroquevillés / gimaer = pleurer
grégeolaient = tremblaient / fouédrâllaient = tombaient comme la tempête
s’ente-capuchi = se battre très violemment / se hagui = lacérer / s’achânit = s’effondre.

Charles leboulanger - 2 titres

Textes chantés par Magène :
Frume tes uus
L’âoberge à la mère Mélanie

Né à Cerisy-la-salle en 1880 et mort accidentellement à Touques en 1929. Il fut représentant en tissus et toiles dans la région de Coutances. Il créa une compagnie, le “drakkar”, et parcourut le pays en roulotte pour y donner des représentations à caractère théâtral. D’un naturel très gai, il était apprécié par ses amis et son public de rue. Il a publié “Ciz nous” (ciz, en coutançais du sud, signifie chez), un recueil bien écrit qui traduit l’attachement du poète à son terroir.

 

Recherches de Christophe Canivet sur la troupe du Drakkar.
C’est peut-être le summum de la carrière artistique de Charles Le Boulanger. Malheureusement, cette tournée sera interrompue par le déclenchement de la première guerre mondiale.

L’Indicateur de Bayeux – 25 nov 1913

Le Drakkar – Tournée de décentralisation catholique et normande

La Tournée Ch. Le Boulanger, dont le Drakkar émerveille nos habitants depuis deux jours, nous annonce pour Jeudi, à 6 heures 1/2, à la Salle Saint-Léon, une Soirée-Concert Normand. Nous sommes assurés que nos compatriotes viendront applaudir la troupe originale dont la devise est « Moraliser, Récréer, Décentraliser ». Vive la Normandie. De même que les Wikings, avec leurs Drakars, conquirent le sol que nous foulons en implantant les germes d’une civilisation nouvelle, nous, nous voulons avec leur cri de guerre : « Diex aïe »1 chasser l’immoralité impie de chez nous et donner au beau et au bien la place qui leur est due. Au programme, chansons et monologues normands et une excellente pièce de Ch. Le Boulanger : “RIVÉS AU SOL”. Prix d’entrée : Réservées, 1 fr. 50 ; Premières. 1 fr. ; Secondes, 0 fr. 60. Cartes d’entrée en vente chez les libraires et à la porte de la Salle, jeudi soir.

L’Ouest-Eclair éd. de Caen – 29 nov 1913

Les poètes de la Manche et du Calvados

Le poète patoisant Le Boulanger a quitté son pays natal, la Manche, depuis un mois, pour interpréter ses œuvres et celles des poètes manchois Rossel et Beuve, en compagnie du chanteur montmartrois Marny et du pianiste Edmond. La troupe a l’intention de parcourir toute la Normandie et voyage dans une confortable roulotte pittoresquement dénommée le Drakkar et marquée aux armes de Normandie. A Bayeux, elle s’est installée place Saint-Patrice.

L’Ouest-Eclair éd. de Caen – 9 déc 1913

A travers la Normandie. Caen

Nous avons dans nos murs depuis quelques jours le bon poète patoisant normand Charles Leboulanger, de Coutances, qui parcourt en ce moment la Normandie à l’aide d’un pittoresque moyen de locomotion, une roulotte appelée « drakkar », en souvenir des ancêtres les Northmen, roulotte qui porte le poète, sa famille, ses pénates et ses espérances. Il est accompagné de ses camarades, le chanteur montmartrois Chervoz, un pianiste, Enioch. Le poète coutançais interprète les œuvres en vers ou en musique des auteurs normands. Il restera parmi nous jusqu’au 15 courant. Il donnera une grande matinée artistique le 14, avec le concours du poète Louis Beuve et de Louis Gouget qui fera une conférence sur les poètes coutançais de la Manche. Cette tentative de décentralisation mérite d’être grandement encouragée.

L’Ouest-Eclair éd. de Caen – 12 déc 1913

Un poète ambulant

Nous avons annoncé la venue à Bayeux et à Caen du poète patoisant Charles Leboulanger, avec sa roulotte « Le Drakkar » aux armes de Normandie. Comme nous l’avons dit, le poète coutançais Leboulanger entreprend une tournée de décentralisation artistique à travers toute la province pour y faire connaître les œuvres patoisantes ou francisantes de divers auteurs normands.
Disciple de Beuve, le poète patoisant de Saint-Lô, Leboulanger est comme lui un amoureux fervent de la terre natale. Il en pousse le culte si loin qu’il tient comme son maître à ce que ses enfants parlent constamment patois dans la famille.

L’Ouest-Eclair éd. de Caen – 15 déc 1913

Poètes normands – Charles Leboulanger

L’Ouest-Éclair a déjà parlé du poète patoisant Charles Leboulanger, de Coutances, en train de parcourir la Normandie sur sa roulotte déjà célèbre « Le Drakkar », actuellement campée sur la place d’Armes, à Caen. Aujourd’hui dimanche, le poète donne une matinée salle du pensionnat Saint-Joseph, à 14 heures, avec le concours de Louis Beuve, le poète patoisant de Saint-Lô, de M. Louis Gouget, qui parlera des poètes de la Manche, du chanteur Chervoz et du pianiste Emiodh. Voici un échantillon de la poésie savoureuse de Leboulanger. On y verra que le réaliste des détails, encore accentué par les termes imagés de la langue de terroir, n’excluent pas, loin de là, la fraîcheur du sentiment. C’est un extrait du Pélerinage à “l’anciânne maison d’nos gens” :

J’avais prins l’petit qu’min des quênes
Qui dounait juste dans la cour.
Pou étr’ pus seul avei mes peines
Et pyis tout entyi à m’ n’ amour.

J’me sis-t-assis sus un mio d’terre
Qui faisait beutte el’ long du qu’min
Ilo, j’arpensais à man père,
A ma bouann’ mère qui filait l’lin,

J’me r’souvins d’la grand’ maison grise
Avec sa couverture en yu
Et, franch’ment, faôt-y que l’vous dise ?
Y m’montit eun’ gross’ lerme à lu.

Dans l’coin d’la cour, tout’ plenn’ d’iau quiaire.
La grand’ mare yoù qu’ les p’tits bourots
Varvottaient à côté d’leu mère,
S’en vint m’apparaîte aussitôt.

J’arvis l’écurie d Marotte,
La vûl’ jument bianch’ qui nous m’nait
A la mess’ dans la maringotte.
Tous tes dimanch’ quand y pleuvait.

Et tout l’passé, comm’ eun’ image
M’arpassait d’vant mes ûs mouillis..
D’avai r’pensé sûs mon jeune âge,
C’est-y du bi, du ma qu’ ça m’fit ?

Le Lexovien – 3 jan 1914

Un chansonnier normand à Lisieux

Parce que, sans doute, elle est plus loin de Paris et de son influence railleuse et argotique, la Basse-Normandie a gardé une large part de son traditionalisme séculaire. Les populations, dans leur langage et leurs coutumes, continuent à se transmettre fidèlement encore les vestiges de l’héritage des Vikings, nos aïeux. Des poètes et chansonniers, plus rares il est vrai d’année en année, s’efforcent pieusement de ne pas laisser s’effacer la mémoire des gestes de nos ancêtres et de ressusciter dans leurs chants, leur esprit et leur amour de la terre où ils ont vécu. Parmi ces bons ouvriers de la cause normande dont les écrits sont comme une cassolette d’où s’exhalerait un évocateur et attendrissant parfum de terroir, le Calvados tient sa bonne place avec Gougé, le Père Lemaître, Théodore Legrand, Le Révérend et quelques autres ; la Manche s’enorgueillit de Rossel et de Beuve et peut être déjà fière de Charles Le Boulanger, le poète patoisant de Coutances. Comme les Normands qui parcoururent toutes les mers sur leurs Drakkars, lui, pèlerin passionné, parcourt les routes de sa petite patrie, dans son home ambulant qu’il a baptisé du nom de fier vaisseau conquérant. Il est en ce moment à Lisieux et a choisi pour s’arrêter un cadre tout à fait digne de lui, la cour de l’hôtel du Maure. La semaine prochaine. M. Le Boulanger, qui s’est fait tout dernièrement applaudir à Bayeux et à Caen donnera au théâtre une grande soirée littéraire où il se fera entendre dans ses œuvres et dans l’interprétation de morceaux choisis de poètes, normands. Nous donnerons dans notre prochain numéro le programme de cette manifestation artistique d’un intérêt peu commun et au cours de laquelle sera présentée la Terre qui Chante de Jacques Hébertot.

Le Lexovien – 7 jan 1914

On annonce pour vendredi prochain l’arrivée de la troupe « Le Drakkar » qui viendra donner dans notre salle du théâtre municipal plusieurs numéros de concert. Le programme est très fourni et est également des mieux choisis. Le consulter sur les affiches apposées en ville.

La revue illustrée du Calvados – fév 1914

Charles Le Boulanger et son drakkar

Parce que sans doute elle est plus loin de Paris et de son influence railleuse et argotique, la Basse-Normandie a gardé une large part de son traditionalisme séculaire. Dans certains mots de leur langage si déformés et abâtardis que puissent être les restes de ce savoureux parler, dans leurs coutumes encore, qui n’ont pas toutes disparu devant les malfaisances du progrès, ses populations continuent à se transmettre inconsciemment sans doute, mais fidèlement, les vestiges de l’héritage lointain des Vikings, nos aïeux. Des poètes et chansonniers, plus rares il est vrai chaque année, s’efforcent pieusement de ne pas laisser s’effacer la mémoire des gestes de nos ancêtres, de les garder, de les ressusciter s’il se peut, d’exalter ainsi notre fierté et notre amour du passé normand, en ce qu’il a de glorieux, comme en ce qu’il a de simple, souvenirs héroïques à côté des souvenirs paysans. Parmi ces bons ouvriers de la cause normande, dont les écrits sont comme une cassolette d’où s’exhalerait un évocateur et attendrissant parfum de terroir, le Calvados tient sa bonne place avec Gougé. le Père Lemaître, Théodore Legrand, Le Révérend et quelques autres ; l’Orne a Paul Harel ; la Manche, Rossel le barde cherbourgeois, Beuve l’incomparable et puissant patoisant et une foule de disciples et d’émules que le voisinage de la Hague et de la Lande de Lessay inspire généralement avec bonheur. Parmi ceux qui se réclament de l’exemple et de l’amitié du poète de La Vendeue, l’un des plus fervents, des plus enthousiastes et aussi des plus richement doués est un poète coutançais, Charles Leboulanger, auquel la notoriété était déjà venue bien avant l’initiative hardie qu’il a conçue et dès à présent en partie réalisée. Comme les Normands qui parcoururent toutes les mers sur leurs Drakars, lui, pèlerin passionné, chemineau de l’idéal, parcourt les routes de sa petite patrie, dans son home ambulant sur les parois duquel éclate la tache de pourpre de l’écusson de Normandie, aux deux léopards d’or. Charles Le Boulanger a eu un beau jour cette idée — idée généreuse de poète dont la foi, comme celle du chrétien, pense soulever les montagnes — qu’il appartenait à un normand de moraliser, de récréer, de décentraliser, en Normandie, en portant avec l’aide de collaborateurs artistes et dévoués la bonne parole normande jusque dans les bourgs les plus reculés. Il créa donc une sorte de tournée-pélerinage, chantant ses œuvres ou celles d’autres poètes ses frères, jouant des actes normands, ici et là, dans des salles de hasard, parfois devant un auditoire compréhensif et vibrant, parfois devant de sombres rangées de banquettes vides. Ne dut-il pas, plusieurs fois, devant l’indifférence absolue qui lui fut témoignée, renoncer à la soirée promise.

Ah ! si au lieu de glorifier la terre natale et de dire les beautés et les grâces qu’elle nous prodigue et que nous ne voyons pas, si Charles Leboulanger avait eu à montrer quelque phénomène hybride, s’il avait su seulement marcher sur les mains ! Mais il ne sait rien de tout cela, il ne sait, il ne veut, comme il le dit lui-même, que chasser, au cri de guerre des Vaillants : « Diex aïe » l’immoralité impie de chez nous et donner au Beau et au Bien la place qui leur eut due. A Caen, Gougé et Louis Beuve accoururent lui prêter le concours et l’appui de leur nom et de leur talent, partout les lettrés s’émurent d’une si belle et si naïve confiance et allèrent dire leur sympathie et leur admiration au poète-chansonnier dans son drakkar tout blanc au dehors, tout lambrissé au dedans des meilleures et des plus fines essences. Minuscule foyer, qui réunit dans ses trois pièces l’indispensable, avec une part surprenante de luxe et de confort, le Drakar abrite la famille du poète, sa charmante femme et ses trois beaux enfants dont le dernier une jolie et futée mignonne de 3 ans répond au nom symbolique d’Arlette transformé par une extension plus fréquente en celui de « notre Duchesse ». Charles Le Boulanger, au milieu de ceux qu’il aime, réconforté et soutenu dans son œuvre audacieuse par les bonnes paroles et les amitiés qui, grâce à Dieu. ne lui manquent pas, poursuit son rêve, son œuvre, que les gens positifs peuvent travestir à leur aise et dont ils ne pourront cependant amoindrir la beauté courageuse. Charles Le Boulanger rêve, chante, écrit. Il prépare une suite prochaine à ces délicieux poèmes qu’il a groupés et fait paraître il y a quelques années sous le litre de Ciz nous ; poèmes, chansons et récits en patois, en tète desquels M. Léon Dériès a écrit ces lignes charmantes. « Le chalumeau n’est point la lyre, mais il n’est pas mauvais qu’il y ait des chalumeaux faits de simples roseaux percés de quelques trous, quand on a de l’habileté on en tire de forts jolis airs. Si ces airs n’étaient qu’une musique champêtre, ils fatigueraient vite, mais pour peu qu’il s’y atèle du sentiment, ils ont un charme prenant. Et c’est justement le cas de ces poésies et chansons normandes de M. Le Boulanger ». Disciple de Beuve, on retrouve un peu la même manière forte et simple, pleine de sentiments délicats et profonds dans le Pélerinage à “l’anciânne maison d’nos gens”, la maison vide à présent et passée aux mains d’étrangers, où il entra pour demander à boire, en réalité pour « s’assire yoù qu’san père, se récaoffait au couan du feu » Sa Déclaration est aussi un petit et délicieux tableau de genre de la vie bas-normande, connu de tous les Manchots, de la vie desquels il trace, avec les accordailles de Jean et de Phonscine, une phase qui leur est, par milliers, commune, celle de leur premier rendez-vous entre les haies du village natal.

L’Ouest-Eclair éd. de Caen – 5 jan 1914

Un chansonnier normand

Parcourant sur son « drakkar » les routes de la Normandie, sa patrie, le poète patoisant coutançais, Charles Le Boulanger, vient d’arriver à Lisieux, choisissant pour remiser son home roulant un cadre tout à fait digne de lui : la cour de la vieille Hostellerie du Maure. Comme il l’a fait tout dernièrement à Caen et à Bayeux, M. Le Boulanger donnera au théâtre, la semaine prochaine, une série littéraire, où il interprétera ses œuvres et celles de poètes normands, et au cours de laquelle sera représentée La terre qui chante, de Jacques Hébertot.

L’Ouest-Eclair éd. de Caen – 27 fév 1914

Le drakkar à Coutances

Ch. Lebouianger, directeur de la troupe Le Drakkar, a donné, jeudi soir, une représentation au théâtre municipal. Coutances, ou plutôt Cerisy-la-Salle, est le lieu d’origine de Leboulanger, aussi fut-il chaleureusement accueilli par ses compatriotes. Ses chansons, en pur patois normand, obtinrent un grand succès, et l’artiste patoisant fut bissé à chaque chanson. Ses collaborateurs furent également très applaudis. M. Illien, baryton, qui n’est pas un inconnu pour les Coutançais, et M. Nelly, ténor, qui, dimanche, accomplit un acte de réel courage à Blainville-sur-Mer, où la troupe donnait une soirée. Nos félicitations à tous. À la demande du public, M. Leboulanger a bien voulu accepter de rester quelques jours parmi nous, et samedi prochain, à huit heures et demie, il donnera au théâtre municipal un second concert avec un nouveau programme.

L’Ouest-Eclair éd. de Caen – 5 mars 1914

Le drakkar à Coutances

A la demande du public, notre compatriote. M Ch. Leboulanger, directeur de la troupe du Drakkar a donné samedi soir un deuxième concert au théâtre municipal. M. Leboulanger qui nous donna plusieurs de ses œuvres en pur patois normand fut très applaudi. Alternant avec l’excellent baryton Nelly, M. Roger Marny, de la Scala, contribua dans une large part par ses charmantes chansonnettes au succès de cette inoubliable soirée. Mme Vivier Duplenne tenait le piano pour l’accompagnement.

L’Ouest-Eclair éd. de Caen – 10 avr 1914

Le drakkar

La seconde série de représentations que donne notre vaillante petite troupe normande sous la direction de notre poète chansonnier patoisant Ch. Le Boulanger, va bientôt reprendre et nous pouvons annoncer à nos lecteurs que le lundi de Pâques 13 avril une soirée sera. donnée à Cérences à la salle paroissiale, à 7 heures et demie précises. Granville aura la visite de la tournée le samedi 18 avril, salle St-Paul, et le lendemain Sartilly voudra faire l’accueil le plus charmant aux artistes qui portent fièrement avec leur devise “Diex aie”.

L’Ouest-Eclair éd. de Caen – 18 avr 1914

Salle paroissiale Saint-Paul

Ce soir samedi, à 8 heures, tournée artistique et littéraire dé décentralisation catholique et normande: Le Drakkar. Comédie et chansonnettes variées, 2 heures de spectacle. Direction Ch. Le Boulanger, poète normand.

L’Ouest-Eclair éd. de Caen – 11 juin 1914

Mortain

LE DRAKAR. Aujourd’hui jeudi, la tournée artistique et littéraire normande, Le Drakar, sous la direction du poète-chansonnier normand Le Boulanger, donnera deux représentations, l’une en matinée, 4 heures et demie, et l’autre le soir, à 8 heures et demie.

L’Ouest-Eclair éd. de Caen – 23 juin 1914

Le drakkar normand à Saint-Lô.

Deux séances à l’Œuvre de jeunesse de Sainte-Croix de Saint-Lô seront données jeudi prochain, l’une à quatre heures et demie, l’autre à huit heures, par le chansonnier normand Charles Le Boulanger et ses artistes. Des chansons et une comédie normande, Le Braconnier, figureront au programme. Prix des places 3 fr., 1.50 et 0.75.

L’Ouest-Eclair éd. de Caen – 3 juill 1929

En voulant descendre avant l’arrêt complet, il se blesse grièvement et meurt quelques heures après.

Trouville-sur-Mer, le 2 juillet (De notre correspondant), Le Boulanger Charles, 49 ans, employé de commerce, 50. rue de la Sablière, à Asnières (sur-Seine), venait dans l’automobile d’un ami, M. Robelin, conseiller municipal à Touques, prêter son concours comme chanteur à la fête patronale de cette commune. Ayant descendu, en cours de route, avant l’arrêt complet de la voiture, il tomba sur la chaussée et reçut un fort choc à la tête. Il continua cependant son voyage, mais, en arrivant à Touques, près Trouville, il dut s’aliter dans un hôtel et mourut quelques heures plus tard. Il laisse une veuve et deux enfants.

Alfred Rossel - 1 titre

Su la mé est interprétée par Magène sur le CD Magène en concert

Si sa chanson Su la mé est aujourd’hui considérée comme l’hymne du Cotentin, bien d’autres chansons de sa composition ont été chantées des milliers de fois par les Manchots dans les fêtes familiales et communales. Cet homme sympathique, fort apprécié à Cherbourg, a eu la chance de rencontrer “son” interprète : Charles Gohel. Leur collaboration dura …50 ans ! Alfred Rossel (1841-1926) a connu une popularité extraordinaire en son temps. Méditons aujourd’hui ce constat : sans télévision ni radio pour assurer la promotion, les spectacles “Rossel/Gohel” pouvaient parfois attirer plusieurs milliers de personnes. Une autre époque, non ? DB

 

 

 

 

 

Né à Cherbourg en 1841, Alfred Rossel est le premier à reprendre le flambeau de l’écriture en normand, suivant l’exemple des auteurs de Jersey et Guernesey.
Son ” tube “, Su la Mé, est chanté depuis 130 ans dans les réunions familiales du Cotentin ! Qui dit mieux !
L’association Magène l’a enregistré (CD Magène en concert) ainsi que la chorale des Marins du Cotentin. La simplicité de la mélodie aide la mémoire. Le texte mélancolique évoque la mer, le terrible passage de la Déroute entre le Cotentin et les Iles et aussi les colonies lointaines. Un peu pacifiste, Alfred ?
Ci-contre, le feuillet original.

 

 

 

 

 

 

Refrain

Quaund jé sis sus lé rivâge,
Byin traunquille, êt-ous coume mei ?
J’pense à ceux qui sount en viâge,
En viâge oû louen, su la mé,
En viâge, oû louen,
En viâge, oû louen, su la mé !

1.- La mé ch’est vraiment superbe,
Et j’aime byin, quaund i fait biâo,
L’été, sous nos cllos en herbe,
La veî s’endormin eun miot…
Mais quaund o se fâche, la vilanne,
Et qu’no-z-entend, dé tcheu nous,
La grosse voué dé la siranne,
No-z-en a quâsiment poue !

2.- J’aime byin, dauns les jours dé fête,
Quaund nos batiâos sont à quai,
A l’abri dé la tempête,
A Chidbourg coume oû Béquet…
Ch’est là qu’i sount l’muus sauns doute,
Des treis couleus pavouésés ;
Mais, dé nyit, dauns la Déroute,
Hélâ ! Qu’i sount esposés !

3.- Quaund o sâote par sus la Digue,
D’qui qu’o fait trembller les bllos,
Qu’à l’auncre l’vaisseau fatigue,
Ah ! Veire je pense és matelots…
Reverrount-i lus villâges,
Et pouorrount-i raterri ?
J’avouns d’si mâovais pârâges,
Dé Barflleu jusqu’à Goury !

4.- J’ai déeus fis dauns la Marène
– Déeus forts et hardis gaillards –
L’eun révyint dé Cochinchène,
L’âoté dé Madagascar…
I rentrent lus corvée faite ;
– D’y penser no n’en vit pas, –
Mais, qué j’ pllans, sauns les counaîte,
Ceuses qui sount restés là-bas !

Le Becquet est un joli petit port à l`Est de Cherbourg et la Digue, bâtie à l’époque de Louis XVI, constituée de bllos (blocs de pierre), ferme la rade de Cherbourg où l’on peut raterri (revenir à terre). Goury est le village situé à la pointe de la Hague ; un bateau de sauvetage y est toujours prêt à partir au secours des marins en difficulté.
Les chansons de Rossel ont été rééditées à Cherbourg par Philippe Le Lanchon en 1999. Et la dynamique Société Rossel entretient la flamme.
Ci-contre, Charles Gohel, jeune homme.

Remarques :

La ponctuation est celle de l’auteur.
L’orthographe modernisée est ici cependant proche de certains choix d’Alfred Rossel : corvée, restés… L’auteur ne marque pas le son â du Nord-Cotentin qui fait écrire aujourd’hui corvaée, restaés.
Nous avons conservé ” à ceux ” même si les Cotentinais disent ” és syins ” ; ” Ceux qui ” se disait-il ” Ceuses qui ” à la dernière ligne ?
Nous avons écrit ” lus ” malgré le choix normalisé de ” leus “, Rossel écrit ” lû “.
Rossel écrivait ” quand ” et ” sont “. Quelle était la prononciation de son chanteur attitré de l’époque, Charles Gohel ? Quaund et sount ne trahissent pas l’auteur. Aux chanteurs d’annyi de faire lus choués.
Rémin Pézeri

 

Quelques précisions :

La célèbre chanson d’ Alfred Rossel, ” Su la mé “, a été publiée dans L’Union Normande du 30/11/1895, année où elle fut probablement composée. Elle parut ensuite sur feuilles volantes sous le titre Recueil de chansonnettes normandes avant d’être reprise en 1913 dans les Œuvres complètes éditées par l’imprimerie Ch. Valin – Caen. Cette première édition d’ensemble fut publiée, du vivant de Rossel, à la suite des fêtes données à Cherbourg en son honneur et celui de Gohel le 16/06/1912.

La seconde édition parut en 1933, sous le titre Poésies et Chansons à l’occasion du millénaire du rattachement du Cotentin à la Normandie, à l’initiative de Marcel Alexandre pour la Société du Bout de la Manche. Il y procéda à une première mise en ordre orthographique aboutissant à une présentation bien supérieure à celle de 1913 (dixit A. Dupont).

Ces Œuvres complètes firent l’objet de trois éditions ultérieures :

  • 1947 – Reproduction abrégée de l’édition de 1933 à l’initiative de la Société Alfred Rossel.
  • 1974 – Edition sous le titre Chansons normandes de la seule partie dialectale avec présentation orthographique et glossaire d’André Dupont aux Editions OCEP – Coutances ;
  • 1999 – Editions Ph. Lelanchon – Cherbourg (que je n’ai pas)

Dernière en date, celle de l’Atelier Langue Normande de la Société Alfred Rossel, parue dans La Presse de la Manche du 5/08/2002 dans la série ” Un jour, eune caunchoun ” à l’occasion des 90 ans de la Société Rossel.

Ce bref historique pour préciser que seules la première publication sur feuille volante (dont je ne dispose pas) et l’édition d’ensemble de 1913 peuvent être de la ” patte ” de Rossel quant à la ponctuation et l’orthographe. Une comparaison avec l’édition de 1974 du refrain et du dernier couplet pour illustrer mon propos :

Edition 1913

Su la Mé

Quand je si sû le rivage,
Bi tranquille, êt’ oû coum’mé ?
J’ pense à ceux qui sont en v’yage,
En v’yage au loin, sû la mé
En v’yage, au loin
En v’yage, au loin, sû la mé.

J’ai deux fils dans la mareine
– Deux forts et hardis gaillards –
L’un revi de Cochincheine,
L’autre de Madagascars.
Y rentrent lû corvê faite;
D’y penser no n’en vit pas, –
Mais, que j’ pliains, sans les counaîte,
Ceux qui sont restés là-bas.

Edition 1974

Su la mé

Quaund jé sis sus lé rivage,
Byin traunquille, êt’ous coum’ mei ?
J’ pense és syins qui sount en viage,
En viage oû louan, Su la mé,
En viage oû louan ,
En viage oû louan, Su la mé.

J’ai déeus fis dauns la Mareinne
– Déeus forts et hardis gaillards –
L’eun révyint dé Cochincheinne,
L’âotre dé Madagascar.
I rentrent lus corvaée faite
– D’y pensaer no n’en vit pas –
Mais qué j’ pllains sauns les counaît’e,
Cheus qui sount restaés lo-bas.

Rémi, quand tu nous précises que ton choix d’orthographe modernisée est proche de certains choix d’Alfred Rossel, cela ne correspond pas à l’Edition de 1913, parue de son vivant. De même, pour ” ceuses qui ” car Rossel a peut être utilisé ” ceux qui ” etc… Je pense que conserver un choix d’orthographe normalisée ne trahit pas l’auteur, mais je partage tout à fait ton avis quand tu dis que c’est ” aux chanteurs d’annyi de faire lus choués ” de prononciation.

Bernard Barbarin
Marthe Travers - 1 titre

Texte chanté par Magène :
Les potyis de Mourot

Née au début du siècle et décédée en 1995, Marthe Travers était la femme d’Alphonse Hamel, un célèbre potier de Mourot. Elle a écrit “Les potyis de Mourot” dans les années 30, à l’occasion d’une fête folklorique locale.

Louis Beuve - 1 titre

Texte chanté par Magène :
La Graind Lainde

Louis Beuve (1869-1949) est né à Quettreville-sur-Sienne, au sud de Coutances. Après avoir suivi ses études à Caen, il devient commis de librairie à Paris où il rencontre François Enault avec lequel il fonde la Société du Bouais-Jan” et la revue du même nom. Il devient ensuite directeur du “Courrier de la Manche”, un journal de Saint-Lô. Ardent défenseur de la langue et des coutumes normandes, il milite pour la renaissance régionaliste à la fin du 19e siècle. Il est un admirateur de l’oeuvre de Barbey d’Aurevilly auquel il vouera pendant toute sa vie un véritable culte. Autonomiste, il est aussi l’homme d’un grand rêve, celui d’une Normandie indépendante.

Il a longtemps constitué une référence pour les écrivains normands de la génération suivante. Il écrivit de nombreux textes réunis par Fernand Lechanteur, en 1950, en un recueil d’ “Œuvres choisies”. Son petit-neveu, Guy Beuve, fut membre du groupe Les Alberts. La passion normande est donc transmissible…
Le centre multimédia de Quettreville-sur-Sienne, ouvert en 2007, porte son nom, à quelques pas du cimetière où il repose, à l’ombre de la magnifique église où un vitrail lui a été consacré. Aurélien Causserouge, l’animateur du centre, est également soucieux de promouvoir l’oeuvre de l’auteur. Il a d’ailleurs pu l’évoquer avec plusieurs habitants de la commune, aujourd’hui âgés, qui ont bien connu le poète de son vivant. D.B

De gauche à droite : paysage de la vallée de la Sienne avec, au fond, le clocher de l’église de Quettreville. Vitrail consacré à Louis Beuve par ses amis et admirateurs. Détail du vitrail représentant la cathédrale de Coutances si souvent glorifiée par le poète (“Ma cathédrale de fyirtaé”).

La lande de Lessay, inspiratrice du poète.

” Né à Quettreville-sur-Sienne, Louis Beuve traversait fréquemment, pour aller à Coutances, la lande de Lessay que Barbey d’Aurevilly a si bien évoquée dans son roman L’ensorcelée. Dans ce texte lyrique, écrit en 1902, la lande effrayante se mue en femme que Beuve tutoie. Dans toutes les fêtes, ce poème fut déclamé, et Magène l’a chanté dans son CD La louerie. ” (Itinéraires de Normandie – février 2009)

Texte de la Graind Lainde

Lire aussi le café à l’âoberge, une chanson savoureuse (publiée en 1900), pleine de clins d’oeil, dans laquelle plus d’un fêtard se reconnaîtra. La musique est de Hippolyte Mariette. Ce compositeur, chef de musique à Saint-Lô, est tombé dans l’oubli. Pourtant, si je le compare à bien d’autres compositeurs populaires de l’époque, sa musique me semble plus originale et novatrice. Ainsi, la mélodie de cette chanson (que Magène enregistrera peut-être un jour) s’harmonise parfaitement façon Brassens.

 

Tam Lenfestey - 1 titre

Texte chanté par Magène :
La ribotresse

Ce poète guernesiais (1818-1885), fermier de profession, a su évoquer avec poésie et malice la vie rurale quotidienne de ses semblables. Sa production dialectale, plutôt modeste, a été publiée en 1875 dans un recueil intitulé “Le chant des fontaines”. Sa “chanson de la ribotresse”, dans sa version musicale originale, est toujours interprétée de nos jours à Guernesey.

Antoinette Grisel - 1 titre

Texte dit sur le CD Veillie normaunde :
A l’entou de Noué(1927-2022)

Membre de l’association des Amis du Donjon, Touénette Grisé a franchi le pas de la création dans un style très personnel et empreint d’une bonne dose d’humour.
En 2009, l’association des Amis du Donjon publie “Histouères”, un grand et beau livre de 72 pages, avec photos et dessins en couleurs, lequel nous révèle tout le talent de Touénette Grisé. Une collection de textes savamment écrits en normand et …à la main ! A commander aux Amis du Donjon.

La Byinhéreuse et la Sauns-cône

Dé nos jours, i fâot se ténin oû couraunt des avaunchies de la chienche, dé tout cha que fount des moussieus reide savaunts : les trachous, les chientifiques. Y en a d’âoqueuns qui se sount mins dauns l’idaée que les vaques, no devait pouvi leus halaer sus les trans ryin qu’eun coup par jou ! O douneraient mens de lait, mais i serait pus gras…

Mei, je troue que cha servirait dé ryin pisqu’achteu, i fâot beire du lait passaé, rapport oû cholestrol.

Qu’à cha ne tyine ! D’âotes ount trouaé dauns le lait eun gène qui dégrabolise la matyire grasse. Yérait pus mais qué de corroumpe çu gène et les vaques nous bâleraient du lait écromaé. P’tête byin qué no pourra quemaundaer du chinquaunte, du vingt, ou byin du zéro pour chent ? Ryin de pus quemode, ch’paé ?

Ches pouores baêtes, déjà d’yeun, no leus cope leus cônes, qu’ol en sount à mitaun défiguraées. Et de déeus, no leus a fait mouogi de la chai… et les houmes ount dit qu’ol ’taient folles !

Mais ch’est paé finin ! I serait arcouneu itou achteu que les vaques fount de la « pollution » : quaund o rungent, o renvient du méthane !!!

Ches pouores baêtes, qui que no va co leus faire enguergotaer pou les empôsaer dé remâqui leus mouogeâle ?

Malhéreuses vaques ! Ol ount touot chenna qu’i fâot pouor nous bailli du bouon lait, et v’là que no les acrâse d’eun tas d’ohis !

Fâorait muus leus dounaer à mouogi dé de quei qui seit paé dénaturaé : de l’herbe flleurie, du bouon fein, du gran…

Ol en séraient qué de muus et nous itou, parai !!!

La Sauns-Cône… La Byinhéreuse…

Mâodite quétonne !

Ch’tait des petites gens qui faisaient vali. Il avaient chinq ou syis vaques.

Coume il avaient paé de cllos en propriétaé, fallait qu’il en louent et les pyiches étaient paé d’un seul ténaunt. En pus, i devaient querrier l’iâo.Mais, brin ergentus, i pouvaient paé acataer eun quéva. Oûssin il eûtent eune veiture à couiste et eune ânette. Ch’té-chin était paé counséquente mais reide jatile, quoeurue et byin quémode. Fâot dire itou qu’ol ‘tait byin souengnie et paé brutalyisie. I la noumîtent Pomponne.

Yeune de leus files avait apprins à halaer sus les broquettes et quand ol ‘tait tcheu ses gens, ol aimait byin attelaer Pomponne à la quérette pour s’n allaer traire.

Doun, çu sei-lo, la v’la partie. Fallait passaer dauns eun loung quemin en dépivalaunt. Et d’eun coup, la quétonne prinse d’eun pécavi, partit à vingt mille des quate pyids !

Ah !! Crénoum ! Touot l’attelage tressinait !

La file maunquit passaer pa-dessus les bannes, le tchu de la veiture s’ouovrit, et diguédâo : les brocs, le siâo, la selette, touot feut évalingui d’eun bord et de l’âote. Cha fit eun brit des chent mille diablles !!! Et la file, ol en rigolait, l’inochente !

A yeun touornaunt du quemin, cha mollit eun miot, pis cha reprins le galop. Et byin, vos penseraez petête que ch’est des mentes, mais l’ânette se butit dreit à la barryire du cllos, là qu’i fallait. O touornit la tête et guettit la file en ratroussaunt les babènes et, cryiaez- lé si vos voulaez, … o ritounait !

Ah ! La file et la Pomponne s’étaient byin éjouies ! Lé viage avait paé duraé déeus mineutes.

Veire, mais achteu, pouor pouvi traire, i fallait allaer artrachi touot chenna qu’était équerpi amount la cache, et à pyid, ch’était mens esposaunt…

Ampraès la traite, la ramountaée se fit pêli-pêlaunt… Héreusement, rapport és bidons pllens de lait. Coume cha, les parents s’aperchûtent dé ryin.

Dé seur, vos pensaez qué no dévrait brin lyissi eune quenâle s’n allaer touote seule d’accaunt eun attelage.

Je syis byin d’avis.

Mais la quénâle dé l’histouère, ol avait vingt auns et …

… Ch’était mei !

Touénette, Bricbé, 2006.

Mireille Gattepaille - 1 titre

Texte dit sur le CD Veillie normaunde :
A beire et à mouogi

Aujourd’hui en retraite, Mirèle Gattepaille a été institutrice à Rocheville, dans le nord du Cotentin. Elle a écrit une trentaine de textes. Ses récits vont de pair avec sa nature dynamique et sa joie de vivre. Plusieurs récits humoristiques ont déjà été retranscrits dans les numéros spéciaux en normand de la Voix du Donjon.
Pour la petite histoire, Mireille collectionne …les perroquets ! la rumeur dit que certains parlent en normand, mais le secret est bien gardé.

 

 

 

Viva Corsica !

Samedi 27 d’âot 2005, 7 h à matin. Cha y est ! Nouos v’là partis ! Ah, mes pouors bouones gens, allaez-vous mé revei ? Si vos luusaez ch’te histouère ch’est que j’érai arvenun.

Sav-ous d’où vyint que j’i le trélu ? Ch’est que deman, à set heures de l’asseiraunce, je vas yête oblligie de me juqui dauns eun baté… et j’i poue de l’iâo.
Mei, cha que j’aime, ch’est l’aire des vaques. Quaund j’i les deus pyids ou les quate reues sus terre, touot va byin. Mais ne me prêchiz paé d’avei le tchu en l’air dauns eun aéropllane ou d’yête vouêchie dauns eun baté duraunt 12 heures ! Et ch’est pouortaunt cha qui va m’arrivaer deman. En bouone file de Tchidbouorg, ya que quaund i me plleut sus la gouole que cha me haîte brin. Pouor eune petite file de marin, petite nyiche de marin, petite couosène de péquous, ch’est guère honorifiaunt. Mais qui que vos v’laez, no s’arfait paé !

V’là coument que j’en sis arrivaée lo. J’i treis houmes qui ne tyinent brin en pllèche. Touos les auns, les v’là partis veî ch’qu’i ya oû bouot du mounde, coume si ichin yavait ryin de byin. Et padaunt chu temps-lo, la bouorgeouèse, qu’aime guère viagi, espère à la maison en panageaunt les avers…
En se racachaunt l’aun drényi, les petiots ount dit dé quei qui m’a fait reide pllaisi : ” On passe toujours de bonnes vacances avec papa, mais maman n’est jamais là “. Oûssin, ch’te annaée, je leus i dit: ” Pisque vo voulaez de mei, je vouos paie eun viage oû Tyrol ou en Corse “. Et byin seu, qui qu’il ount chouési ?… La Corse ! Taunt et si byin que jé me troue achteu sus la rouote du Su, les quenâles derryire nouos dauns nous roulottes à moteu. Ya ryin de muus que ches mécanniques-lo. No se bute quaund no veut. Allaez doun dire à eun coumaundaunt de baté ou d’avion que vo v’laez sitôt descenre… Paé quemode, ch’paé ? D’aveu nous bétallyires, paé besouen de hâlaer sus la pouengnie d’alarme. Et pis no peut routaer yoù que no veut. Guettaez, nouos, no prenra jammais l’autoroute. Prémyirement : ya ryin à veî. Déeusyimement : pouor nous banniâos, l’octroué est déeus couops pus chi …et ch’est mei qui paie !
Taunt qué men houme counaît le quemin, j’i ryin à faire et je m’ennyie. Ch’est le moment d’écrire. Pus tard, quaund no sera tcheu les horsins, je pouorrai pus, veu que ch’est mei le G.P.S. Alors je les coundirai d’en par des petits quemins reide gentils. Je sais byin cha que dirount les mouojins dauns leus bérouette derryire : ” On s’traîne… ! “. Fâot dire que je sis brin pressïe d’arrivaer…

Lundi 29, 9 heures dé la seiraée. Mes houmes jouent à la belote oû cllai de la pétoche dé noute camion. Cha va muus qu’hyir oû sei. Je deis dire qué le viage s’est byin passaé (ch’est reide doumage que no-z-en seit qu’à la mouétyi. Fâora recoumaunchi sammedi à venin).
Pouortaunt, eun couop, en pllenne nyit (no devait yête oû milleu de la mé) j’i trouaé que les mécanniques faisaient eun brit drôlu. Et le baté saquait à l’avaunt, saquait à l’arryire. Le quoeu se mint à mé buletaer. Pouor byin faire, eun petiot dauns la cabène d’à côtaé s’ébraillit. Je mé dis: ” Cha y est ! Ya du chicâtu ! “. Nennin, touot était byin calme, sauf men houme qui rounfllait et qui prenait des couops de savates du graund qu’était juqui oû-dessus de li.
Lundi 5 dé s’tembe. Me r’veilà tcheu mei. Merci men Diou ! Ryin à dire sus le retou, veu que j’i dormin touot le loung du quemin padaunt que mes gâs et leus père faisaient la neuche dauns des salouns que no-z-érait creu faits pouor des roués.

Dyis jouors d’aveu mes fis, dyis jouors de solé et de mé câode, dyis jouors de cochounâle et de vin du payis, dyis jouors de pllaisi, cha ch’est seu… Mais no m’y reprenra paé !
A quiques jouors près, no véyait brin la Corse ou byin no pouvait paé se racachi. Ch’est la grève des matelots, les batiâos espèrent à quai et la coumpagnie S.N.C.M. prêche de froumaer. Je vouos l’avais byin dit que j’artournerais jammais ilo !

Henri Gogibu - 1 titre

Texte dit sur le CD Veillie normaunde :
Men vuus quêne

Henri Gogibu est membre des Amis du Donjon de Bricquebec. Certains de ses textes sont dits par Nicolas Dubost, conteur et humoriste.

Oh yes, ratchule !

Oh, ch’était dauns les annaées chinquaunte.
Réné Bottin halait du sablle à la mé aveu sen tracteur. Ch’était eune partie de sen otchupation car, tout janne, i ne faisait vali aveu sa mère qu’eun petit miot de terre qui nourrissait quate ou chin vaques. Ch’était byin des frais pouor si peu de terre mais quaund no-z-est janne tout ce qu’est nouvé qui pète et qui remue nous fait envie. Alors pouor payi sen engin, i s’était mins à halaer du sablle à la mé à Siouville. Il allait sus la grève, chergeait sa remorque, la remountait dauns le bord de la deune yoù qu’il avait eun petit dépôt. Et chu sablle, i le revendait és syins qu’en avaient bésouen.
Eun jou qu’il tait otchupaé à sen sablle, il avisit de louen eun troupé de gens à l’entou d’eune auto et d’âoqueuns qui faisaient de graunds sènes. I se détouornit pouor allaer veî.
Ch’était eun Amériquan qui, ne counaissaunt pas le daungi, s’était aventuraé sus la grève vers la basse-iâo aveu sa vouéture et s’y trouvait coulaé (à l’épocte, i restait enco quiques soldats qui gardaient les drényis dépôts de l’armaée et ch’t ichin, magène, faisait eun tou par tcheu nous.)
Touos les gens qui trafiquent à la mé ount tréjous eun câblle ou eune lie sus le naez de lus tracteur. Cha n’était pas le prémyi coup que cha yarrivait. I touornit, se mint devaunt la vouéture, sen janne frère qui l’aindiait avait prins le câblle, l’avait attaqui oû tchu de la remorque et tenait le bout pouor l’accrochi à l’auto mais le câblle était trop court ; le tracteur était trop avaunchi.
Alors il criyit à sen frère : « Ratchule, ratchule eun miot ! »
L’âote qui viyait la mé mountaer derryire sa vouéture et qu’était byin en souen d’yête halaé de là se mint à criaer li itou (petête pas aveu le même accent) : « Oh yes, ratchule, ratchule ! »

Y en a t-i qui dirount enco que noute patouès n’est pas facile à coumprenre ?

Raymond Mensire - 1 titre

Texte chanté par Magène :
Aguignettes

Cet auteur du Pays de Caux (1889-1964) a publié plusieurs ouvrages. Le texte “Aguignettes” est extrait d’un recueil paru en 1913 (“Les êtres de chez nous”). C’est à ce jour le seul auteur haut-normand mis en chanson par MAGENE, mais nous allons creuser un peu le filon…

Jean-Pierre Le Goupillot - 1 titre

Texte dit sur le CD Veillie normaunde :
Papa, j’ sais luure !

Membre de l’association des Amis du Donjon, Jean-Pierre s’est lancé avec un réel talent dans la composition de textes. Il vit et travaille aujourd’hui dans la région de Caen.

Marie-les-cocos

Ol avait noum Marie Bllaundin, mais no l’appelait touos Marie-les-cocos. Mais que j’étais petiot, à la vacaunche tcheu mes graunds, o passait eun coup la semanne pa les maisouns du bourg, eun graund pannyi oû bras, disaunt és gens : « Voul-ous des cocos ? I sount frais pouneu d’à matin ! »

Ch’taient des oeus counséquents, qu’avaient bouone mène, taunt et si byin qué les syins qu’avaient paé de pouoles héquetaient paé à li en acataer eune douozanne. Il étaient petête oûssi chi qué tcheu l’épicyi mais je saviouns byin que ses pouoles mouojaient de l’herbe et galopaient dauns le cllos de derryire. Quique coup, ma graunde li quemaundait eun poulet ou eun lapin qu’ol amenait dauns son pannyi la semanne qui suusait. Quique feis, no disait : « J’avouns paé veu Marie, ches jours ! », mais le lendeman oû matin, o rarrivait : « Voul-ous des cocos ? »

Marie, ol ‘tait vuule file et pouor mei, ol avait paé d’âge. A chaque coup qué jé me rattirais tcheu mes graunds, je la reviyais, tréjous intaé. Ol ‘tait habillie d’eun cotilloun et d’eun cannezou neis, sus qui qu’o pouésait eun devaunté blleu, touot cha d’aveu sen graund pannyi : « Voul-ous des cocos ? »

O demeurait à la Croué Brisset, dauns eune pétite maisoun que li avait laissie ses gens, et o vivait lo coume ieus chinquaunte auns devaunt, à la vuule. Eun coup, ma graunde eut besouen d’eun poulet et i feut convenun qué j’irai le trachi tcheu lyi. Le jouo venun, o mé recheut sus le su de sa porte à viquet. Lyi partie trachi la bête plleumaée, j’avaunchis la tête pour guetti dauns la maisoun, no-z-est tchurieux quaund no-z-est quenâle, parai ? J’avisis eune aire en terre et eun lyit alcofe accotée à la parei, devaunt qui qué no viyait quate quaires byin alignies. L’hus du found coundyisait magène oû gardin. A gâoche, souos la crouésie, no véyait eune bauncelle et eune tablle en sap. Eun feu mouronnait dans l’âtre, souos eun câodroun ahoqui à la crémillie. Sus la dreite, ch’était le trillais du cabinet. Mei petiot, ch’était eune maisoun coume no-z-en viyait déjà pus mais biâocoup. Marie mint men poulet dauns men pannyi et me fit « Veurs-tu des cocos ? »

Eun jou, mei pus graundet, j’apprins que Marie n’était pus. Sa maisoun feut vendeue. Mais que je touorniais à vélo, ol ‘tait pus dauns sa couor à me faire eun petit sène dé sa man. No se mint à acataer des oeus tcheu l’épicyi, no-z-en a acataés itou tcheu des gens yoù les pouoles mouojuent de l’herbe et galopent dauns le cllos de derryire, mais jammais, jammais, quiqu’eun nous a redit « Voul’ous des cocos ? »

Lé vendredi 13 dé févryi Déeus mil quate

Jean-Claude Léger - 1 titre

Texte dit sur le CD Veillie normaunde :
A la crique du jou

Jean-Claude Léger (Jeaun de la Py-Ouitte) est membre de Magène et aussi de l’association Prêchi Normaund. Il est passionné par l’ornithologie, comme le montrent les textes ci-dessous, riches en mots rares et en expressions typiques. Il a étroitement participé à la rédaction du dictionnaire normand. Il est aussi un photographe reconnu.

 

 

 

Jean-Claude Léger a appris le normand avec sa grand-mère. Il est l’un des auteurs d’un Dictionnaire français-normand édité en 2013 (et déjà épuisé). Il joue ici avec les mots du Cotentin, les expressions et les dictons populaires. Le vocabulaire différent du français est traduit en notes à chaque bas de page.
Enraciné dans ses dunes de Hatainville, perché dans sa maison sur le cap de Cartret, Jeaun de la Py-Ouitte observe et “hale en portrait” les “corbins” qui nichent dans la falaise, les “mâorouns”… Mais il migre aussi comme les cigognes chaque saison vers les continents les plus lointains : l’Amérique, Madagascar ou l’Océanie…
Il partage depuis longtemps ses “viages en normaund d’aveu ses amins du Préchi normaund de Sant-Georges-de-la-Rivyire», des “Amis du Donjon” de Bricquebec et de Magène dont il est un des piliers. Soixante poèmes et récits sont ici rassemblés dans ces Feuilles cartrétaises. Une invitation au voyage et à la réflexion sur notre société qui oublie trop souvent la nature… R.Pézeril

Jeaun de la Py-Ouitte, “Fuules cartrétaises, Mes viages, Promenades et voyages”. Préface de Guy du Hammé de hâot. 216 pages, 120 photos, 20 € (+ frais de port 3 €). Éditions Magène, La Luzerne de haut, 50260 Bricquebec.

Jean-Claude Léger n’a cessé de créer une oeuvre littéraire et poétique tout à fait originale qui en traîne le lecteur sur des sentiers où la musique de la langue semble donner un relief singulier à ses récits.
Victor Hugo n’a pas hésité à écrire : “”l’âme a des illusions comme l’oiseau a des ailes. C’est ce qui la soutient.” Phrase splendide qui revient à l’esprit lorsque l’on rencontre Jean-Claude Léger, cet homme pour qui les oiseaux sont plus qu’une passion. Une obsession dont on retrouve la trace élégante et gracieuse dans son dernier ouvrage. Une sorte de carnet de voyage transportant le lecteur au gré des mois de l’année en douze chapitres reflétant les beautés de la nature. En normand ? Mais cela doit être incompréhensible pour la majorité des lecteurs ! Ne croyez pas cela. Des photos magnifiques ouvrent immédiatement des horizons lointains ou proches. Car on part de Carteret pour arriver à Madagascar en passant par l’Aeizona ou le Mexique. Oui, les photos sont là pour illustrer l’ambiance. Et il y a le normand. Quelle idée d’écrire en normand le récit de voyages si lointains ? Une certaine magie opère. Comme si les mots régionaux ajoutaient une note personnelle au plaisir de ses découvertes et le transmetttaient au lecteur.
Elisabeth Gavard, La presse de la Manche – déc. 2014
“”L’auteur joue avec les mots du Cotentin, les expressions, les dictons populaires, tout au long des soixante poèmes et récits”
André Corbel, Ouest-France – déc. 2014

Sortie-découverte ornithologique

Ch’t arlevaée de fin de janvyi, j’allis veî l’amin Marcel coume je fais de temps à âote. I me baillit sen ouvrage « à men leisi » pouor armette à la médiathèque de la coumeune, cha que je fis dès en le quittaunt. Oû couop que je laissais sen live, j’avisis eune fuule pouor eune sortie d’aveu « le groupe ornithologique normand » (GONm). Y avait mais que vingt pllèches , cha fait que je m’attergis brin à m’inscrire. Sitôt de retouo à la maisoun, j’en prêchis à Marotène qui ampraés avei luusu le papyi que no m’avait remins, me fit remarque que le jouo préveu était le premyi samedi du meis et que no-z-avait le normaund d’aveu « les Amins du Donjoun », à Bricquebé.

« Eh byin taunt pis, t’iras touote seule que je li répounis mais je vas paé me dédire. J’irai surgui les ouésiâos dauns le hablle car cha serait byin bête de maunqui c’te sortie pouor eune feis que cha se tyint à Carteret. »

Le jouo venin, o me laissit sus pllèche et pouorsuusut sa route. Les jumelles à la man, en bottes et byin couvert, je me mêlis oû groupe déjà prêt à parti dauns les deunes. J’aime allaer à la découverte des ouésiâos et les vas-tu vyins-tu sus le terran mauntyinent allaunt soufflle et gaumbes et l’identificatioun des lagues celle de l’artenette. Ch’est de quei qui baille itou byin de l’inducatioun.

No-z-avait pouor veî oû muus Régis « l’ornitho » de la réserve des Veys. No-z-avait à penne marchi chent mètes sus le queminet que déjà no-z-avisit eune vingtanne de breunes cônerotes se décrachaunt dauns des marettes de la Gerflleu ; d’aveu ces ouettes de Sibérie eun couplle de tadourne de Béloun en faisaient oûtaunt ; ces mannyires de canards nichent surtout és îles Chaosey ! Oû renouvé, à penne nâquis les petiots suusent pet à coue leus mère de ces îles jusque dauns la baie du Mount Sant Michi, « La Mervèle ». Les veî dauns les riles de la mé est, touot coume le mascaret, d’eun graund pllaisi. Paé byin louen des chentannes de mâoves se prélassaient, goélaunds ergentaés et mouettes rieuses, ch’en était grési, y en a taunt et taunt dauns le jouo d’annyi. Eun miotinet pus d’avaunt d’à côtaé du vé de caillous, dauns le lyit de la rivyire no vit eun héroun achouquetaé à l’affeut du mouande peissoun à se mette dauns le gosyi. Praès à praès quiques graunds cormorauns séquaient leus ales. Y en avait même yeun d’aveu eune bague seument minse pa des houmes du Nord.

En se racachaunt devers le port de pêque, des aigrettes en quête de pitaunce paé gênaées de nous aperchevei. Y en a de pus en pus, treis chents dauns le département ; no-z-en veit quiquefeis quaund no rocâle. En arrivaunt praès des batiâos, les pus guettous d’ente-nous avisirent dauns leus jumelles, déeus touornebrettes à collyi à la trache de mâquâle dauns le vré des caillous de la digue. No-z-eûmes du ma à les veî rapport qu’ol arrêtaient paé d’armuer et qu’o se counfoundaient d’aveu le milleu envirounaunt. Je poussîmes jusqu’à la pouente du massif dunaire devers la laisse de hâote mé. Lo, paé mais biâcouop de vie, brin de limicoles, que quiques bochus éplluquaunt du vré vnun.

Sûs le retouo, je countouornîmes byin des trous de guirannes et j’aperchevîmes eune mâove baguie ainchin qu’eun pllouvyi ergentaé démuchi. Dauns le bassin à fllots, déeus grèbes castagneus plloungeaient touot oû loung.

J’aviouns de pus en pus freid et tergîmes paé. J’entendîmes sauns les veî des cris d’alouettes des caumps et avisîmes dauns le cyil déeus graunds corbins, seument le couplle qui touos les auns fait sen nin dauns les falaises du cap. Y en a pus mais guère : huit ou neu couplles en Normaundie. Ch’est quasiment tréjous les mêmes que no veit mâogré des naitaées quasi certannes. No-z-arrive paé à l’esplliqui. Les syins qu’éraient le savei peuvent me le bailli. à l’approche de la tablle d’orientatioun juquie sus eun souvenin de la drényire guerre j’eûmes eun drenyi couop d’u devers eun bissoun d’épènes yoù qu’eun couplle de tariers pâtres dounait de la voué.

Eh byin mâogré la freid, je passis eune bouone matinaée ayaunt veu et apprins, cha qui me pllaît d’excès.

Jeaun de la Py-Ouitte

Coucou, m’arveila !

Sitôt qué lé Renouvé s’acache, coume touos les auns dé depis la nyit des temps, ma caunchoun s’en revyint à vous oyères…

Oû prémyi couop que vos m’entenraez brédaungui à pllen gosyi, mais qué vos ayaez quiques pyiches dauns voute pouquette, eh byin, vos seraez ergentu touote l’annaée !

Magène que vos counaissaez touos chu ditoun.

Ampraés yête restaé syis meis oû Suêt de l’Afrique, jé me ramounte fin mâr-début d’avri en Normaundie . Je sis l’Ouésé- Roué d’la neire foraêt et criyiz-mei, je mé tiyns brin en espositioun, i s’en fâot de biâocoup, ma fei de Du !

Mâodit ragachous pouo l’s euns, paé malin pouo l’s âotes, j’i bâilli men noum dauns quasiment touos les loceis de l’Urope et de l’Asie.

Ma caunchoun drélinde dauns touos les triges dreit coume le tic-tac d’eune vuule horloge mais que les premyis jouors du Renouvé s’acachent. Je sais byin me houolaer dauns touos les balivés, sauns yête en souen, coume dé fait, de mes éfaunts. Je lisse à d’âotes d’avei le souen dé menaer à-fait ch’té corvaée-lo.

Qui qui creirait en avisaunt – mais que no que no-z-est dauns le cas – mes loungues ales joraées de gris-blleu que no-z-a oû devaunt de sei eun frélaumpyi ? Qui qu’érait dauns l’idaée magène byin que men couort et neir bé joraé d’eun miot de jâone bâle brin de mâquale à ses quenâlots ?

Vivaunt à la mannyire d’eun cat-huhaunt, sauns yête amouchelaé parai, paé chergi de famile inetou, je haunte les myins ryin que padaunt les viages ou byin pouor avei d’s éfaunts ampraès mei. Roué des ouésiâos cachards, ch’est dauns le nin des âotes lagues pus petiotes qué je linre touos mes œus (nins de braunle-coues, bochus, cope-boutouns, grises beunettes, mêles, pinchouns, rébelettes…), mais que leus œus fussent paé enco couaés coume dé fait.

Mais qu’arrive le meis de mai, ma cryiateure coucou surguettera les ouésiâos du trige pouor armerqui le nind sus qui qu’o lâquera sen œu.

Quaund yéra quiques œus dauns le nin avisi quaund ch’est qué les positiouneus sount paé lenreit, et tréjous dauns eune arlevaée, ol y pounra – ni veu ni couneu -… et pis o recommenchera chenna mannyirement eune quinzanne de coups dauns le Renouvé.

A penne s’il a nâqui, sans seument y veit quique seit aco, le petiot coucou évalinguera les âotes petiotinets en d’hors du nin. I sera enfalaé quaraunte coups dauns l’heure touot oû loung de chin semannes, promais qu’i seit déhalaé, mouogeaunt à écrase, jammais aboundaé, i forchira à veue d’u et i graissera de treis à quatre-vingt-dyis grammes mais chu temps-lo. Leus gens nourrichis en serount si taunt ernaés qu’il éléverount brin d’âote couaée dauns l’annaée.

A la Sant-Pyirre, la caunchoun du coucou buttera à-fait, et le meis d’âot merquera l’évo pouo le retouo devers l’Afrique.

Drényire ermerque : pouo sen prémyi graund viage, le jeune coucou trouera touot seu sen quemin !

Eh byin ! pêtre le coucou ? Magène byin que veire, mais brin innochent, il érait pûtôt de l’obiche ch’t ouésé !

Jeaun de la Py-Ouitte

En lâonaunt sus le quemin des douènes

-I fait bé annyi, cha te dit-i de marchi ? dauns les jouors à venin i announchent de l’iâo et bellement du vent.

-Veire, ma fei pouorqui paé ; no pouorrait faire le tou du Cap en partaunt à pyid d’la maisoun.

Sitôt ampraès le jouorna de midi à la télé, byin couverts et itou byin câochis no s’en feus pa des queminets gaungni le GR 223 qui lounge la pllage et qui coundit de vers les deunes de Hattaunville. Le temps était de saisoun, assaez freid et ensolleillyi. Le mireus de la pllage luusait souos eun cyil sauns nuaées et i faisait bouon marchi sus le quemin des douènes. Quiques raundouneus lâonaient touot coume nouos souos eun biâo solei.

En çu début mâr, j’avais q’eune idaée en tête, ch’était de veis le corbin des falaises. I me maunquait, ne l’iyaunt paé veu dé depis le drényi renouvé. Eun couplle vyint quasiment touos les auns nichi sus la falaise. No-z-en coumpte pus mais guère dauns le Cotentin, seument que quiques nicheus dauns les falaises de Carteret, Fllamaunville et Jobourg, d’ampraès les enquêtes du G O Nm. (Groupe Ornithologique Normand)

No marchait dé depis eune pâose Marotène et mei et trèjous brin de volatile dauns le trige ; paé même eun ouésé ! Je guettais surtouot du côtaé d’la mé quaund j’avisis sus eune roque, sus le coupé et dauns les broussâles eun gros ouésé touot nei qui se prélassait oû solei. Ch’était li, il été byin lo le corbin si espéraé. Cha me faisait graund pllaisi de le savei revenun eune feis de pu ; no le viyait oû muus, il était si praès de nouos. J’érais voulu le prende en photo mais pouent d’apparel. No pense paé à touot quaund no part marchi. Je m’en voulais et no countinuâmes noute quemin qui de teurques en teurques nouos coundisit de vers les deunes de Hattaunville.

Ampraès déeus bouones heures à marchi no se racachîment à la maisoun. L’idaée me vyint alors de reparti d’aveu men apparel. Je devrais seument le reveis, çu maîte du trige. Pou yête pu à couop sus pllèche j’partis en méconique. Quiques minutes pus tard j’emprûntais de nouvé et seu le quemin des douènes. Je lâonais dyis bouonnes minutes sauns veis âme qui vive, brin de volatiles, brin de raundounneus. J’étais quasiment coundit à la ” batterie ” quaund j’entendis eun croassement susuu d’eun évo. Ch’était byin noute corbin qui s’évolait de vers le pllanître du Cap. Je le vis quiques temps pllanaer oû gré des vents faisaunt des bouclles touot à sen leisi. Eun volyi de mâoves passit sus l’enreit et cha feut eun brève batâle à couops d’âles que le corbin gaungni ; i gardait jalousement ” sa falaise “. Á la suute de cha je le perdis de veue. Je ratouornais sus mes pas d’aveu l’espouère de reveis ce solitaire quaund à la sortie d’eune teurque je le vis posaé sus le coupé d’eune grosse roque dauns le repllat en surplloumb du graund vide. Je m’appréchis oû pus praès que je pu, quittaunt le quemin pour le photographiaer oû mus. Je devais paé l’effarouchi, j’en étais à dyis mètes, ni surtout dévalaer de vers le veude n’ayaunt brin d’âles à mette en mouvement. I m’avisi et resta fiqui sus sen caillou. Je prins byin des photos, i se dépllèchait dreit et à demaunde qué mei, no-z-érait dit qui prenait pllaisi à ce jeu tel eune starlette de cinéma. I croassait de temps à aôte touot en éplluquant quiques pllauntes où graminaées qu’i piâossait d’aveu sen énourme bé. Taundis que je me lassais paé de le guetti je vis, quiques secoundes, eun déeusyime corbin, seument la femelle qui se racachait sus sen nin que je devinais à peu de métes en-dessous.

Noute manége dura de seûr eune vingtanne de minutes et pouvaunt pus faire de photos, la carte de men Sony étaunt pllenne, à l’argret je prenais coungi. J’eus biâocouop d’adoun de le veis si praès et si lôtemps, seu et sauns yête détourbaer. Je creis byin qu’eune occasioun coume j’i-z-eu se représentera paé de sitôt. Byin seu que ch’té raundounaée restera biaôtemps en mei touot coume la parade nuptiale suusue d’eun ‘accoupllement d’étercelets y à de cha quiques annaées et touot coume itou la naitaé d’eun vé de mé dauns eune île de l’archipel des Galapagos.

Jeaun de la Py-ouitte – Mâr 2006

Thérèse Aubert - 1 titre

Texte dit sur le CD Veillie normaunde :
Corner et pénalty

Membre de l’association Prêchi Normaund

Les brèves de Thérèse : Corner et Pénalty.

Histoires recueillies, adaptées et traduites par Isabelle Lequertier.

Noute amin-e Thérèse, o prêche reide byin. Et pis fâot veî coume sa maison est byin teneue. Ol a tréjous étaé d’excaès quoeurue à la tâche. D’aveu sa faisaunche vali, cha lyi faisait byin de l’ouvrage. D’outaunt qu’ol avait déeus petiots eun miot invectis qui viyaient paé le moment qué d’yête à patrailli dehors pour se racachi vatraés coume des vilouns !
Eun coup qu’il avaient fait des patroueleries dauns le mitaun de l’aire, o les envyit se muchi dauns leus chaumbre. Cha qui les erjuit le pus, cha feut de loupaer le match de foot qu’il éraient taunt voulu guetti ! Thérèse en profitit pour arnettier sen aire : balaiyi, torchi, lavechinaer, à la fin ol était arnaée, lassaée. O pensit paé même à froumaer la luquerne dé la télé qui restit à builli dauns la carre de l’aire.
A penne défroumaés, les déeus frelaumpyis lyi demaundîtent qui qu’étaient les syins qu’avaient gangni. Si vous criyiz que j’avais que cha à faire, j’en i seument ryin veu. Tout cha ce que j’i armerqui, ch’est qu’i jouent byin muus que vous, Corner et Pénalty !”

Notre amie Thérèse parle très bien le normand. Et puis son intérieur est toujours impeccablement tenu. Elle a toujours été très courageuse. Avec sa ferme, elle avait beaucoup de travail. De surcroît, elle avait deux enfants un peu dissipés qui ne rêvaient que de galoper dehors pour rentrer tout crottés !
Un jour qu’ils avaient sali la maison, elle les envoya dans leur chambre. Ce qui les ennuya le plus, ce fut de manquer le match de foot qu’ils désiraient tant regarder ! Thérèse en profita pour nettoyer son sol: balayer, essuyer, rincer, à la fin elle était bien fatiguée. Elle ne pensa même pas à éteindre la télévision qui resta à causer dans le coin de la pièce. A peine sortis, les deux galopins lui demandèrent lesquels avaient gagné.
“Si vous croyez que je n’avais que cela à faire, je n’en ai même rien vu. Tout ce que je sais, c’est qu’ils jouent beaucoup mieux que vous, Corner et Pénalty !

Les brèves de Thérèse : Louisot.

Louisot, eun petit Parigot, aimait d’excaès ses vacaunches tcheu sen cousin ratibus dauns les marais de Quéraunte. Les déeus petiots rentraient souvent byin vatraés et rasséquaient le bas de leus tchulotte dauns la cheminaée. Cha que Louisot aimait pus que touot, ch’était noute prêchi. Et coume il était reide fûtaé et qu’i maunquait ni de coumprénette ni d’artenette, en eun ryin de temps, i feut dauns le cas de prêchi coume les syins d’ichin.
Eune arlevaée qu’i faisaient séqui les tchulottes dauns l’âte d’aveu le quyin oû mitaun d’yeus, i s’ébraiholit : « Guette, veilà le tchu du quyin qui tchut ! » (prononcer : le tchu du tchi qui tchu)”

Louisot, un petit Parisien, adorait passer ses vacances chez son cousin à la lisière des marais de Carentan. Les deux enfants rentraient souvent bien sales et faisaient sécher le bas de leur pantalon dans la cheminée. Ce que Louisot aimait par-dessus tout, c’était notre parler. Et comme il était très malin et qu’il comprenait vite et retenait facilement, il fut très vite capable de parler comme les autochtones.
Un après-midi qu’ils faisaient sécher leurs pantalons dans l’âtre avec le chien entre eux deux, il s’exclama: “Regarde, voilà le cul du chien qui cuit !”

Denise Choisy - 1 titre

Texte chanté par Magène :
Célène

Denise Choisy (1911-1993) a composé 28 textes, lesquels ont été réunis en 1992 dans un recueil intitulé “La rue Saint-Nicolas”. Dans ses poèmes et ses textes en prose, elle évoque Barfleur, la vie quotidienne avec son mari (capitaine au long cours), et surtout ses joies de grand-mère (“Célène”). Cette enseignante d’anglais a brillamment prouvé que chacun pouvait – avec un minimum de volonté et de sensibilité – s’exprimer aujourd’hui en normand. Bel exemple !

Frédérique Mabire - 1 titre

Texte dit sur le CD Veillie normaunde
Chinot et sa quérette

Membre de l’association Prêchi Normaund, “Freddie” écrit et interprète ses textes et aussi ceux des autres. Son accent et sa diction en font une des conteuses les plus appréciées dans le Cotentin.

 

 

 

Chinot et sa quérette

Je vas vous prêchi enco de Chinot, un paisaunt de tcheu nous, le syin qu’allait tréjous oû marchi venre ses œufs et qui mêlait les gros aveu les syins de ses pipiouns.
Vos rappel-ous quaund eune Parisiane li dit : ” Ils ne sont pas gros vos œufs, monsieur ! et qu’i yavait répounu : I sount paé byin gros seument i sount byin pllens !
À eun âote qui voulait des pounéterres : – Donnez-moi des grosses ! il avait répounu les petiotes deivent suure leus mère. “
Ainchin, il allait oû marchi de Barneville d’aveu sa jument Bijou attelaée à sa carriole bâchie ; touos ses amins avaient acataé eune veiture.
” Paé mens, je sis pus riche que yeus, je vas m’acataer eune quérette itou et j’irai oû marchi de Pourbas, et même és Puus, pouorqui paé ?
Mais devaunt, i fâot passaer le permins et chenna, cha deit paé yête malaisi. José qu’est bête coume eun couiste l’a-z-eu et Gustave qui sait à penne luure l’a-z-eu itou.
Alors là, cha fut byin âote seit. Il en print des lessons ; le gars de l’auto-école en était tout élugi de veî qu’i coumprenait ryin à ryin, eun vrai quétoun cabochu . Cha li coûtit byin chi, mais eun jouo, le gars li dit : ” On va aller à Valognes faire une répétition.On part de la gare, et au deuxième poteau, il faut avoir passé la troisième. Ensuite, faites exactement ce que l’examinateur vous dit.
– Byin seu que fit Chinot. “
Le jouo du permins arrive, le v’là assis prêt à parti d’aveu l’examinateur. Allez !.
I démarrit, premyire, déeusyime et cache !. Oû bout d’eun moument
-” Vous devriez passer en troisième.
– Cha fait byin coume chenna qu’i li répounit.
– Eh bien, dans ce cas, vous reviendrez. Au revoir Monsieur. “
Il tait brin countent. La 2CV camiounette était acataée dé depis loungtemps, toute neuve byin seu : quaund no-z-a de l’ergent no va paé à l’occasioun. I le fallait pouortaunt çu permins sauns cha la veiture allait finin en juquous oû found du gardin.
Oû bout de ounze ou douze couops oû mens i se racachit quaund même aveu sen papyi rose.
Achteu, il allait oû marchi à Barneville, à Pourbas, és Puus et jusqu’à Bricquebé. A-n-eun biâo jouo, le v’là parti à Valougnes.
Seument, à fène forche de roulaer en déeusyime la pouore veiture était lassaée. En se racachaunt de Valougnes devaunt que d’arrivaer à Négreville la v’là qui se met à fumaer, à fumaer coume eun chuquet qui mouronne dauns la cheminaée. I buttit et partit à pyid jusqu’oû garage et dit :
” Ma 2 CV feume je creis qu’ol a seu. Av-ous eun miot d’iâo pouo li dounaer à beire ?
-” Vous vous moquez de moi on ne met pas d’eau dans une 2 CV, je crois qu’elle manque d’huile ; en voilà un bidon. “
Vite i rarrivit à sa quérette, il eut byin du ma à ouvri le capot rapport que ch’était le premyi couop qu’o li jouait des tours et qu’i guettait là-dessous. I versit de l’huile et pouor yête seu qu’o requemenche paé i versit touot le bidoun. Eune veiture, ch’est coume eun queva : pouor qu’i marche fâot byin le souengni.
Et cache !le v’là reparti mais quiques luues pus louen vlà qu’o s’armet à fumaer. Arrivaé à Bricquebé il tait entouraé d’eune nuaée neire ; cha sentait le brûlaé et l’huile dépurait tout alentou.
I buttit tcheu Arcens et quaund i countit cha qu’il avait fait i s’écalîtent de rire et je creis que, s’i sount paé morts il en rient enco.
V’là qu’à-n-eun matin o voulut paé dépéqui. Le garagiste li dit :
-” Il faut remettre de l’eau dans la batterie jusqu’au niveau indiqué. “
Racachi tcheu li, i versit de l’iâo, mais byin de trop ; alors, touot gênaé il supa le trop pllen aveu eun fêtu d’étran en prenaunt souen de recrachi (il aimait paé l’iâo) mais quiques jouors ampraès i s’avisit que ses dents se décâochaient. Le pouore innochent, i savait paé qu’i yavait de dequei qui brûlait la goule dauns les accus : ch’est de l’acide à cha qui paraît.
D’aveu tout chenna la quérette a finin en juquous. Chinot est oû chimetyire mais personne l’a oublié.
Frédérique Mabire

François et son auto

Je vais vous parler encore de François, un paysan de chez nous, celui qui allait toujours au marché vendre ses œufs et qui mélangeait les gros avec ceux de ses poules naines.
Vous souvenez-vous quand une estivante lui avait dit : ” Ils ne sont pas très gros vos œufs, monsieur ! ” et qu’il lui avait répondu : ” Les petites doivent suivre leurs mères. “
Ainsi, il allait au marché de Barneville avec sa jument Bijou attelée à sa carriole à capote, tous ses amis avaient acheté une auto.
Eh bien ! Je suis plus riche qu’eux, je vais m’acheter une auto moi aussi et j’irai au marché à Port-Bail et même aux Pieux, pourquoi pas ?
Mais avant il faut passer le permis, ça ne doit pas être difficile : Joseph qui est bête comme un âne l’a eu et Gustave qui sait à peine lire l’a eu aussi.
Mais là ce fut autre chose. Il en prit des leçons, le moniteur d’auto-école était tout excédé de voir qu’il ne comprenait rien, un véritable âne têtu. Cela lui coûta très cher, mais un jour le moniteur lui dit : ” On va aller à Valognes faire une répétition. On part de la gare et au deuxième poteau il faut avoir passé la troisième. Ensuite, faites exactement ce que l’examinateur vous dira. “
” Bien sûr dit François. “
Le jour du permis arrive, le voilà assis prêt à partir avec l’inspecteur.
” Allez ! “
Il démarre, première, deuxième et en route ! Au bout d’un moment :
” Vous devriez passer en troisième. “
” Cela fait bien comme ça. ” qu’il lui répondit.
” Eh bien, dans ce cas, vous reviendrez. Au revoir monsieur. “
Il n’était pas content. La 2CV camionnette était achetée depuis longtemps, toute neuve bien sûr : quand on a de l’argent on n’achète pas de l’occasion. Il le fallait pourtant ce permis sans cela la voiture allait finir en poulailler au fond du jardin.
Au bout de onze ou douze fois au moins, il revint quand même avec son papier rose. Maintenant, il allait au marché à Barneville, à Port-Bail, aux Pieux et jusqu’à Bricquebec et un beau jour le voilà parti à Valognes. Mais à force de rouler en seconde la pauvre voiture était fatiguée.
En revenant de Valognes avant d’arriver à Négreville la voilà qui se met à fumer, à fumer comme une bûche qui couve dans la cheminée. Il stoppa et partit à pied jusqu’au garage et dit :
” Ma 2CV fume, je crois qu’elle a soif. Avez-vous un peu d’eau pour lui donner à boire ? “
” Vous vous moquez de moi, on ne met pas d’eau dans une 2CV, je crois qu’elle manque d’huile, en voilà un bidon. “
Vite il revint à sa voiture, il eut bien du mal à lever le capot car c’était la première fois qu’elle lui jouait des tours et qu’il regardait là-dessous. Il versa de l’huile et pour être sûr qu’elle ne recommence pas il versa tout le bidon. Une auto, c’est comme un cheval, pour qu’elle marche, il faut bien la soigner.
En route ! Le voilà reparti, mais quelques kilomètres plus loin, voilà qu’elle recommence à fumer. Arrivé à Bricquebec il était entouré d’un nuage noir, ça sentait le brûlé et l’huile coulait tout autour. Il arrêta chez Arcens et quand il raconta ce qu’il avait fait, ils éclatèrent de rire et je crois que s’ils ne sont pas morts, ils en rient encore.
Voilà qu’un matin, elle ne voulut pas démarrer, le garagiste lui dit :
” Il faut remettre de l’eau dans la batterie jusqu’au niveau indiqué. “
Rentré chez lui, il versa de l’eau, mais beaucoup trop, alors, tout gêné, il aspira le trop plein avec un brin de paille en prenant soin de recracher (il n’aimait pas l’eau) mais quelques jours après, il s’aperçut que ses dents se déchaussaient. Le pauvre idiot, il ne savait pas qu’il y avait quelque chose qui brûlait la bouche dans la batterie : c’est de l’acide à ce qu’il paraît.
Avec tout ça la voiture a fini en poulailler, François est au cimetière mais personne ne l’a oublié.

Traduction de Frédérique Mabire

Louisot Lefèvre - 1 titre

Texte chanté par Magène :
Les galoches

Né dans le Val de Saire en 1949, ce fils d’agriculteurs est devenu agriculteur à son tour. C’est grâce à son instituteur qu’il a poursuivi ses études et est entré au lycée technique, quai de l’entrepôt à Cherbourg. Le bac en poche, il est ensuite entré à l’arsenal de Cherbourg et a commencé à écrire des poèmes. Entre famille, sport et engagement politique, les vers ont ensuite été oubliés un certain temps mais la passion de l’écriture est demeurée vivace. Après avoir été correspondant de presse pendant de longues années, Louis a repris la plume et a souhaité écrire à la fois en français et en normand.

 

 

 

Triquevâoderies” : un livre fort (déc 2018)

 

“Triquevâoderies” est le deuxième livre du poète. C’est un recueil de poèmes récents et aussi plus anciens, souvent très personnels et toujours inspirés. Les poèmes sont illustrés par des photos de voyages, du Cotentin au Vietnam. Louisot aime sa langue normande et celle-ci donne toute sa force et sa poésie dans ses lignes.

“J’apprécie beaucoup ce livre écrit dans une langue qui “coule de source”, parait simple (alors qu’elle ne l’est pas) et qui peut être comprise par tous, ce qui est capital. En fait, on a l’impression, quand on te lit, que tu nous parles (ça c’est très important). Quant aux thèmes, on sent l’écorché vif, le rapport de l’homme à la nature, le doute et en définitive la confirmation que chacun face à lui même est confronté à sa vérité. Les thèmes et le positionnement me font penser à Côtis-Capel, rien que cela ! Chez lui, non pas révolte mais sa cousine sublimée l’indignation permanente, rapport de l’homme à la nature, un peu de deuil (lui de son travail, toi de tes rêves), lui parle un peu plus de mort, pour la solution finale il nous renvoie à dieu, toi face au désenchantement à la nature et à la poésie.” Michel Nicolle

 

Evénement poétique : sortie du livre de Louisot L’fève (oct 2015)

 

Combien y a-t-il d’auteurs normands qui écrivent en vers, dans l’élan spontané d’un rythme court, loin du lourd alexandrin et près d’une émotion qui a envie de chanter ?
Vous avez entre les mains un ouvrage tout à fait original. On y trouve de la colère, de la passion, de la malice, du bon sens, de la sensualité, de l’enthousiasme, de la bonhomie, tout le spectre de nos émotions qui s’expriment en vers mesurés, dans une langue normande qui jaillit. Chez Louis Lefèvre, il n’y a que de l’authentique. Les journaliers dont il parle, c’est sa famille. Le cheval à qui il exprime tant d’affection, il l’a conduit et brossé pendant des années. Les travaux des champs qu’il évoque, il les a faits. La mer, dont il décrit les humeurs, il la connaît de première main. Il n’y a dans sa poésie aucun subterfuge. Et pas une once de prétention.
Mais il y a de la liberté. Les vers dansent avec abandon. Parfois sautillants et taquins, parfois sombres et puissants, ils communiquent une émotion réelle. L’expression, spontanée, s’enrichit de surprises et de trouvailles. Les connaisseurs reconnaîtront, mêlées au normand de référence, des touches du parler de la pointe de Gatteville : quelques formes en – o du potement sairais, d’autres en – âo (j’âome plutôt que j’ime), quelques choix de mots particuliers. C’est ainsi que Louis parle du cœur.
Merci, Louisot, de m’avoir laissé collaborer. Mais merci surtout pour la chaleur de ces textes. Des mises en musique ne tarderont pas : la forme s’y prête si bien. La veine poétique ne se tarit pas chez toi, et ce recueil, si accompli, est aussi riche en promesses. Tu te défends d’être un poète, eh bien mettons-nous d’accord pour ne pas être d’accord.
 Jean-Pierre Montreuil

 

A vouos

À vouos égohineus (1) d’ métyi
À vouos touos les porteus d’ fusis
À vouos mercenaires de malheu
À vouos j’étchurfe (2) ma raunqueu (3).

À vouos tchyins mâodits d’ déhait (4)
À vouos qui taunt dé quœus minchaez (5),
À vouos qui jouaez d’aveu nous vies
À vouos ma haïauntise (6) j’envie.

À vouos qui lus obéyissaez
À vouos qui ne vouos rebellaez
À vouos qui trou’aez cha norma
À vouos je veurs biâocoup de ma.

À vouos qu’escoffiaez (7) pour des sous
À vouos, à vouos et pyis à vouos
À vouos assassineus, nauntis,
À vouos je ouinse (8) touot men mépris.

(1) Égohineus : tueurs, assassins, (2) Étchurfe : crache, (3) Raunquoeu : rancœur, (4)
Déhait : malheur, (5) Minchaez : brisez, (6) Haïauntise : haine, (7)
Escoffiaez : tuez, (8) Ouinse : crie

Barflleu

Dreit à côte du phare d’Gadville
S’niche eune byin joulie p’tiote ville.
D’o l’boujou d’Sant Nicoulas,
Barflleu vouos ouvre graund ses bras.

Eun pyid dauns l’iâo, l’âote sus terre
O s’est bâtie sa p’tite histouère.
Cha qu’menchit-n-ya byin loungtemps
Byin dé d’vaunt la Guerre d’Chent auns.

Dé cha, no sait paé graund d’quei
J’péeus vouos dire quaund même quique seit.
Quaund qu’les Nourmaunds déberquîtent,
Cha ya vlaôdaé, cha buullit.

Mais qu’lé Bâtard dév’nint Roué
D’ l’âote côtaé dé la graund Mé
La famile qui seuccédit,
Sus les roquis d’Quil’boeu s’ nyit.

Byin d’z-auns aumpraès d’âotes bâtiâos
Dauns lé hâblle, des barquous
S’amarîtent, ch’taient les bâtiâos
D’touotes les familes dé pêquous.

Merqui pa’ les fllots et l’vent
Barflleu chaungit brin pouortaunt
Ch’est raide muus qu’cha, veu qu’annyi
Ch’est eun hammé genti, jouli.

Achteu, d’pêquous yen a brin
L’hâblle est dév’nin eun gardin
Yoù qu’sé mirent les vuules maisouns
Oû r’nouvé, en touotes saisouns.

Barflleu sus l’iâo
Barflleu souos l’iâo
Barflleu d’hiyi
Barflleu d’annyi
Barflleu d’la mé
Barflleu solé.

Hippolyte Gancel - 1 titre

Texte chanté par Magène :
Flleurs et plleurs

Hippolyte Gancel, docteur ès lettres, écrivain normand réputé,
est à l’origine de plusieurs parutions essentielles pour la compréhension et la diffusion de la langue normande. Parmi ses réalisations les plus marquantes, citons la méthode de normand publiée en 1984, la Grammaire Normande, réalisée par l’Université Populaire du Coutançais et éditée en 1995, et le roman Flleurs et plleurs de men villâche (Prix littéraire du Cotentin), écrit sous le nom d’Aundré Smilly et en vente dans notre boutique.
Passionné par tout ce qui concerne l’histoire populaire de la Normandie, il a aussi publié un grand nombre d’ouvrages minutieusement documentés en langue française.

 

Extrait de “Flleurs et plleurs dé men villâche”

” Cha fut men père qu’entrit l’ prémi. Nos gens écouotaient après nouos dé d’pis qu’il-avaient rarrivé. J’ les vei aco. Men père assis à sa pllèche, sen blâodôt nei eun miot éfalé, sa casquette à visyire dé tcheû ramountée hâot sus ses qu’veus. Ma mère dé d’bouot d’aras la carre dé la tablle, sen devaunté byin agenci sus ses cotillouns d’ droguet. Eune môque, no l’érait entendeûe. La couosène ‘tait ilo, enter leûs déeus. Eune gamène grosse coume ryin – eune écrêle, coume érait prêchi l’pépé Panyi – heingue dé piâo, qui nouos guettait v’nin d’aveu d’s uus neis à mitan évarés. No-z-érait creû qu’ol avait chômé, coume eune quenâle acraunchounée. “

” Ce fut mon père qui entra le premier. Nos parents nous attendaient depuis leur retour. Je les vois encore. Mon père assis à sa place, son blouson noir à demi ouvert, sa casquette à visière de cuir remontée haut sur ses cheveux. Ma mère debout tout contre l’angle de la table, son tablier bien ajusté sur ses jupons de droguet. Une mouche, on l’aurait entendue. La cousine était là, entre eux deux. Une gamine très fluette – une crevette d’eau douce, comme aurait dit Pépé Le Panier – au teint basané, qui nous regardait venir avec des yeux à demi effarés. On aurait dit qu’elle avait manqué de nourriture, comme une enfant arrêtée dans sa croissance. “

Aundré Smilly (H. Gancel) – Flleurs et plleurs dé men villâche, 260 pages.
Roman en normand intégralement traduit en français en bas de pages.

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