Le normand et l’anglais, langues cousines germaines
J’ai un gros problème avec l’appellation « patois normand ». Si le patois normand est du patois, alors le français aussi, sans parler du breton ! Quant à l’anglais, il a été qualifié il y a déjà longtemps de « medley of teutonic dialects », ce qui signifie : « mélange de dialectes Teutons » !
Henri Moisy débute ainsi l’introduction de son « Dictionnaire de Patois Normand » (1807) : « L’on croit communément que les patois sont du français barbare, une langue dégénérée qui avec le temps s’est altérée dans la bouche du peuple des campagnes. Rien n’est moins exact : les patois sont les débris des anciens dialectes provinciaux que des révolutions sociales ont fait déchoir du rang de langues régulières, à celui de langues purement parlées ».
Malgré tout le respect que je dois à cet éminent linguiste, et toute mon admiration pour son « Dictionnaire », le sens actuel du mot patois est très souvent péjoratif et omet la notion de « langue » que pour moi il comporte en effet.
Je vais vous donner un exemple de patois : dans le nord de la France, là où Kopazewski est devenu le fameux Kopa, les émigrés polonais n’avaient pas de mot pour « tomate », ou plutôt le mot polonais à leur disposition était plus compliqué. Alors ils ont adopté le mot « tomate » et lui ont ajouté la terminaison polonaise (-tchèk), et ça a donné « tomatchèk ».
En breton, « fourmaj », c’est le pâté. Ca n’empêche pas le breton d’être maintenant considéré comme une « langue ». Et quand un Normand ou une Normande dit : « No va tracher ou trachi du beire », en fait il y a là de l’excellent latin : « tracher », du latin « trachere », chercher ; « no », qui n’est pas une déformation de « nous », mais une évolution d’un pronom latin. Et quant à « beire », le cidre, les Anglais ont bien le verbe et le nom « drink » ! Alors, pour un linguiste, dire « du beire » est tout à fait intéressant !
Les Anglais ont l’intelligence d’appeler le patois normand le « Norman French », c’est-à-dire « le français-normand » ! Je pense qu’en France on traite facilement un dialecte de « patois » par ignorance, ou par volonté délibérée de rabaisser un parler local, pour des raisons idéologiques : il n’y aurait qu’une vraie langue, le français officiel, et sociologiques : les patois sont parlés par des gens simples, des gens de la campagne, des paysans, des ouvriers, ou des pêcheurs. Peut-être aussi est-ce pour des raisons politiques que le patois normand a été rabaissé par les Normands eux-mêmes, trop proches de ou obnubilés par le pouvoir parisien ! Ceci est une opinion toute personnelle… Et chaque fois que j’utiliserai les mots « patois normand », s’il vous plait n’oubliez pas les guillemets.
Mais revenons à Guillaume : il envahit l’Angleterre, et s’impose comme nouveau roi (il se fait couronner Roi dans l’Abbaye de Westminster le jour de Noël 1066 et depuis tous les rois et reines d’Angleterre s’y sont fait ou s’y font couronner). Il s’impose, par la force très souvent. Impose-t-il aussi sa langue par la force, la terreur ? Comment expliquer qu’il y a autant de mots normands dans la langue anglaise : 6 000 selon certains, 10 000 pour d’autres ? Dans une 2ème partie, j’aborderai ce sujet.
Vous savez probablement que les Anglais mangent du « beef », du « pork », du « mutton », du « veal »… Mais en anglais un ‘bœuf ‘ se dit « ox », ‘porc’ se dit « pig », ‘mouton’ : « sheep », et ‘veau’ : « calf » ! J’imagine Guillaume en train de manger … et de réclamer du ‘bieuf ! », du « pork » !, du « mutton », du « viaou ! ».
Nous allons jouer à un jeu : je vais dans un premier temps vous donner une douzaine de mots anglais – oralement -, et vous allez essayer de trouver le mot normand qui l’a fait naître. Mon ami Jacques vous confirmera la bonne réponse, puis, dans un deuxième temps, nous ferons le cheminement inverse ! Par contre ne répondez pas tout de suite, afin de laisser le temps à ceux qui connaissent moins le normand le plaisir de peut-être trouver la réponse.
Par exemple, je vous dis : « candle », et vous pensez à : ?… caundèle en normand (chandelle en fr.) !, qui vient du latin « candela ».
À vous maintenant :
mot n°1 : castle… en normand câté, castel (château)
2 : fork, fourque (fourche)
3 : fashion, faichon (façon)
4 : pavement (trottoir)
5 : budget, bougette, bouguette (pochette), diminutif de ‘bouge’, sac de cuir
6 : catch, cachi (chasser)
7 : mallard, malard (canard mâle, colvert)
8 : exchequer, eschequier (échiquier, “medieval latin ‘scaccarium’ = chessboard”, O.E.D.)
9 : disturb , destourber, détourber
10 : garden, gardin
11 : escape, escaper, eschaper
12 : me too, mei itou (moi aussi)
13 : can, le can de jerrycan, normand ‘canne’, ou, d’après l’O.E.D., danois kan et de l’allemand kanne, d’origine ou germanique, ou du latin canna
Maintenant, trouvez le mot anglais à partir du normand !
1 : bacon… (bacon)
2 : ca(t)… (cat)
3 : esquireul… (squirrel : un diminutif du latin ‘sciurus’, du grec ‘skiouros’, ‘skia’ = ombre ? + oura = queue)
4 : creissant, du latin ‘crescere’ = croître, (crescent)
5 : câodron (cauldron = ‘cooking pot’, from latin ‘cal(i)darium’)
6 : paroche (parish) = paroisse, latin tardif ‘parochia’ du grec paroikia “para + oikos”, habitation
7 : pourchacier (purchase = acheter, de ‘pourchacier’ qui voulait dire : chercher à obtenir)
8 : premisse (premises = lieu. Cf. à Jersey : « Ces prémisses sont à l’amende »)
9 : rere Cf. latin ‘retro’ = arrière (rear)
10 : werre (war)
11 : clerc (clerk), du vieil anglais cleric, clerc,du latin ecclésiastique clericus renforcé par le clerc normand.
12 : moque (mug)
13 : vouéchi = secouer pour laver (wash)
14 : viquet = petite porte ou grille, wiket d’après l’O.E.D. (wicket = portillon, petite porte d’écluse, guichet aux U.S., le guichet du cricket depuis la fin du 17è siècle)
15 : surelle (sorrel)
16 : un mot complexe : jeu parti (jeopardy), to jeopardize /’dzèp@daiz/, c’est mettre qch ou qqn dans une situation où il y a un risque de perdre, de se faire mal, ou d’échouer ; ‘jeu parti’ voulait dire « jeu également divisé, pendant une partie d’échecs, ou un autre jeu, et faisait référence à un problème, ou une position ou les chances de gagner ou de perdre étaient égales, d’où le sens de ‘situation dangereuse’ (New Oxford Dictionary of English).
Le jeu que je viens de vous proposer est un jeu difficile, même pour un linguiste confirmé : prenons l’exemple du mot anglais « cat » : j’aimerais vous dire qu’il vient du normand ‘cat’, qui lui viendrait du latin ‘cattus’. Mais le vieil anglais ‘cat’, ‘catte’, serait d’origine germanique, dérivé du dutch ‘kat’ et de l’ allemand ‘Katze’, renforcé en moyen anglais par des dérivés du latin ‘cattus’ !
En 1080, Guillaume a besoin de pouvoir récompenser ceux qui le suivent dans sa difficile conquête de l’Angleterre et d’estimer les richesses du pays conquis. Il va organiser leur recensement dans une immense opération pendant laquelle ses lettrés, ses clercs, vont sillonner le territoire et compter les églises, les terres, le bétail, etc. Ils vont tout consigner dans de grands livres qu’ils rangent dans des poches, pour le transport par exemple. En normand il y a deux sortes de poches : la pouquette, ou pouchette, (qui bien sûr va donner : ‘pocket’), et la bouguette.
Ce dernier mot va devenir en anglais : « budget »*, et en français moderne : « budget ». (Le recensement final apparaîtra dans le fameux « Domesday Book », que certains traduisent à tort d’ailleurs comme « Le Livre du Jugement Dernier », croyant reconnaître le mot « Doomsday », alors qu’il s’agit du « domus » latin, que j’ai vu chez Édouard Le Héricher nommé « Le Livre Terrier »).
Je ne résiste pas au plaisir de revenir sur le mot anglais « exchequer » : depuis des siècles, ce mot qui veut dire ‘échiquier’ désigne ce que l’on nomme aujourd’hui le ‘Ministère britannique des Finances’, « The Chancellor of the Exchequer » étant l’équivalent de notre Ministre des Finances.
Pourquoi cette appellation ?
Marjorie Chibnall, (in « Anglo-Norman England, 1066-1166 », p.124 ) nous apprend que (à la cour des rois anglo-normands) « les calculs des finances, des budgets, étaient faits sur une table recouverte d’un drap à damiers ressemblant au plateau d’un jeu d’échecs, composant une abaque sur laquelle on déplaçait des jetons dans des colonnes correspondant aux milliers, aux centaines, aux vingtaines de livres, aux livres, shillings, et pennies ».
D’ après Littré (Hist. de la langue fr., II, 445, 2è éd), cité dans Moisy, p. III, « l’ Échiquier était une institution propre à la Normandie : il existait antérieurement à Guillaume le Conquérant, qui l’introduisit en Angleterre ». Et, p. IV : « C’était non seulement une cour de justice, mais encore et surtout une Cour des Finances ayant pour mission l’administration des revenus publics ».
Aujourd’hui encore le Parlement Britannique continue à avoir recours à des expressions de franco-normand (appelé fautivement anglo-normand) dans le passage de certaines lois :
– « baillé aux communes »
– « À ceste bille avecque des amendements les seigneurs sont assentus »
– « ceste bille est remise aux seigneurs avecque des raisons »
– « la Reyne le veult »
– « La Reyne remercie ses bons sujets, accepte leur bénévolence, et ainsi le veult »
– « Soit fait comme il est désiré »
Voici un petit chef d’oeuvre de « franglais » du 17è siècle, extrait d’un procès en Angleterre en 1631 où le prévenu est accusé d’ avoir, je cite, « ject un Brickbat a le dit Justice que narrowly mist » !
Et en Écosse ? J’ai été frappé par la présence de nombreux mots « français » en écossais, comme « reynard », « fashy », ou des devises. La St-Sylvestre, là-bas, s’appelle « Hogmanay » : j’avais eu une première explication, selon laquelle cela venait de « Au gui mené ». D’après le ‘Oxford Dictionary of English’, ce serait peut-être ‘hoguinané’ du normand « aguilanneuf ». Chez Édouard Le Héricher, (dans son « Glossaire étymologique du Normand, de l’Anglais et du Français, ou : l’Anglais ramené au Français », Avranches, 1884.), il viendrait du terme normand très populaire « Oguinané », qui a mille formes, (altérées du breton « Eghinad-me », au sens de « Étrennez à moi », selon La Villemarqué). Il est cité dans le glossaire de Brocket sous la forme « Hagmena », ou « Hogmena », mot appliqué au don des étrennes. Les pauvres à Newcastle souhaitaient la bonne année en disant : « Please will you give wor hogmena. »
Quant aux devises, en voici 3, repérées par moi-même en Écosse :
– « Jamais arrière », vue à Kirrimuir sur un blason apposé sur un bâtiment ancien.
– « Tache sans tache », vue sur un blason au musée de Glamis.
– et « Si je puis », gravée sur une tombe du cimetière de Luss, au bord du Loch Lomond. Cette tombe est celle du baronnet Colquhoun, chef de clan né en 1887, mort en 1948.
D’après É. Le Hérichet (Histoire et glossaire etc, p. 398, « l’influence des Normands pénétra jusque dans la langue de l’Écosse : des chevaliers normands entrèrent au service des rois de ce pays (« Les fils cadets des familles anglo-normandes trouvaient davantage de profit à tenter de faire fortune en Écosse plutôt qu’en Angleterre » – M C, p. 209.), et ceux-ci (les rois ? – à vérifier) s’étudièrent (sic) à introduire dans le langage teutonique (re-sic!) qu’on y parlait un grand nombre de mots et d’idiomes français, et leurs chartes du 12 è siècle portent : « Omnibus fidelibus Francis et Anglis et Scotis (Thierry, Hist. de la Conquête., t III, p. 3) ». « Ce fut le commencement d’une communication de langage qui se développa considérablement sous les Stuarts, et qui a rempli (sic) l’écossais d’expressions françaises. « (Quant au Pays de Galles), la Conquête introduisit dans la noblesse du pays des hommes dont les descendans (sic) se faisaient encore remarquer quelques siècles plus tard par leurs noms français précédés de la particule « de », ou de « fitz », ce signe caractéristique des Normands ».
Aux États-Unis, le Ministre de la Justice se nomme « Attorney General ». Vous remarquerez qu’il ne s’ appelle pas le « General Attorney » comme le voudrait la règle de la place de l’adjectif épithète en anglais. Si vous regardez les séries américaines ou les films américains, vous avez l’habitude d’entendre ce mot « attorney ». Un « attorney », c’est un avocat. « Power of attorney » signifie : ‘procuration’. Mais c’est du « patois » normand ! Cela vient du mot « atourné » ou « atorné », participe passé qui signifie : « assigné ». Si ma mémoire est bonne, c’est le nom que l’on donnait à celui qui aidait les plaideurs. D’après Moisy ? Le Héricher ? (p. XIV) , « à Jersey et Guernesey, les plaideurs, comme autrefois dans le reste de la Normandie, se font représenter par des mandataires qui ont conservé le nom d’ « atournés ». (Rappel : le livre de Moisy date de 1887). Donc, bien évidemment, les mots normands se sont retrouvés en Amérique ! D’une part via la colonisation anglaise, d’autre part via la colonisation française.
Vous connaissez tous John Kennedy, le président assassiné : « J.-F. K. ». J pour John, mais F ? F pour Fitzgerald. Ce qui est un nom scandinave, qui signifie « Fils de Gerald ». La famille Kennedy était d’origine irlandaise. Or l’Irlande a été colonisée par les Anglais, et comme les Anglais étaient soit descendants directs des Normands, soit influencés par eux, ils avaient adopté le prénom Fitzgerald. Ils en ont adopté d’autres : William (Guillaume), Richard, Henry…
Un autre nom, célèbre : Walt Disney ! Savez-vous d’où vient ce nom ? Merci Jacques de me l’avoir appris : de « D’Isigny » ! Disney est une déformation de d’Isigny.
Et les noms de lieu en Angleterre ? Reconnaissez vous ces deux-ci , que je vais prononcer à l’anglaise : « Biouly » ? Beaulieu. « Biouchamps » ? Beauchamps.
Il y aurait donc entre 6 000 et 10 000 mots de ‘Norman French’ dans la langue anglaise. Ce vocabulaire a énormément enrichi l’anglais : on en retrouvera beaucoup dans Shakespeare. Un de ses personnages dans « Le songe d’une nuit d’été » s’appelle « Puck ». Ce nom viendrait de « pouque » !
Il a permis la création d’innombrables « doublons », tels que « start » et « commence ».
Je vais vous proposer un nouveau jeu : je vous donne un mot anglais, vous me donnez son « doublon » français :
go on (continue)
meet (encounter)
buy (purchase)
freedom (liberty)
sell (vend)
Maintenant je vais vous proposer quelques mots anglo-normands, vous essayez de trouver leurs doublons anglais :
disengage / withdraw
just / fair
chant / sing
Je pensais que l’influence du « Norman French » s’était arrêtée à l’apport de ces milliers de mots. Mais Édouard Le Héricher, in « Glossaire étymologique anglo-normand, ou l’Anglais ramené à la langue Française » (Avranches 1884), m’apprend quelque chose de plus – disons – grammatical.
Si vous avez appris l’Anglais, et avez étudié le ‘simple past’, également appelé ‘prétérit simple’, on vous a probablement enseigné que pour mettre un verbe régulier à ce temps à la forme affirmative on rajoute -ed. Je ne suis pas d’ accord, on ne rajoute pas -ed, on rajoute un son. J’en profite pour insister sur le fait que la langue anglaise a été parlée avant d’être écrite, et je dirais même que c’est plus une succession de sons qu’une succession de mots.
Pour revenir au ‘Simple Past’, quel est donc ce son miraculeux que l’on rajoute à la base verbale ? C’est le son /d/. Par exemple, ‘play’ devient ‘play/d/’, ‘open’ devient ‘open/d’
Et ce à toutes les personnes en plus, c’est tout simplement génial : I play/d/, you play/d/, he she it play/d/, we, you, they play/d / ! Et bien donc d’après Le Héricher, je cite (p. VIII) : « le psautier de Montebourg, qui est du XI è siècle, a les participes passés en « -ad » , comme « devisad » (= il partit), qui conduisent à la terminaison anglaise en -ed : devis/d/ ! »
(Les analyses linguistiques d’ Édouard le Héricher seraient d’ après Wikipedia « rejetées par tous les spécialistes », mais jusqu’à preuve du contraire je garde sa version du son /ad/ normand devenu /d/ en anglais !).
Et si, non content d’avoir influencé l’anglais, l’ écossais, et l’ américain, le normand avait influencé … le français ?
Voici quelques exemples de termes techniques ou autres, maritimes ou non, passés en français par l’intermédiaire du normand : (source : Wikipedia : fr.[m].wikipedia.org/wiki/normand)
bord, bouline, carlingue, cingler, dalot, écoute (norrois ‘skaut’), équiper, étrave, flâner, flotte, girouette, gréer, guindeau (vindàss, cf anglais windlass /’windl s/), hauban (höfuõbenda), hune, quille, raz, ris, tangue, vague, varangue (vrang), varech (vàgrek).
Mais il y a plus fort encore : et si le normand était à l’origine du français ? Cela mériterait une autre conférence, mais je ne peux résister à l’envie d’en dévoiler quelques éléments aujourd’hui.
D’après Moisy, déjà cité, « la langue d’oïl comprenait trois dialectes principaux : le normand, le picard, et le bourguignon, et dont le plus ancien est… le dialecte normand ». Ceci est confirmé par Diez (Gramm. des langues romanes, I, 119) qui affirme que « la langue d’oïl, se propageant en France, venait surtout de Normandie ». Moisy encore (p.XI) : « Depuis le IXè siècle, époque à laquelle le français apparut comme un idiome nouveau, indépendant du latin, jusques et y compris tout le XIIè, le seul dialecte littéraire en usage dans la langue d’oïl fut le dialecte normand. p. III : « Parmi les plus anciens et les plus remarquables documents de cette période sont les « Lois de Guillaume » (qu’il imposa à ses nouveaux sujets lorsqu’ il eût conquis l’Angleterre), la traduction des « Quatre livres des Rois » (?), celle du « Psautier d’ Oxford », la « Chanson de Roland », la « Vie de St Alexis », la « Vie de St Thomas le Martyr », la « Vie de St Gile », la « Chronique des Ducs de Normandie » et le « Roman de Troie » de Benoit de Ste More, la « Vie de St Thomas de Canterbury », le « Roman de Rou », le « Roman de Brut », « La Conception Notre-Dame » Etc. (sic) de Wace, le « Bestiaire » et « Le Comput » de Philippe de Thaon, la « Chronique de Jordan Fantosme », le « Roman du Mt-St-Michel » de Guillaume de St Pair, le « Bestiaire Divin » de Guillaume de Normandie , la traduction des « Distiques de Caton » d’ Évrard, moine de Kirkam, le « Mistère d’Adam », les « Poésies de Marie de France », Etc., productions qui, toutes, appartiennent au dialecte normand »…
Moisy encore nous dit (p.XI) que » suivant François-Victor Hugo (‘La Normandie Inconnue’ p. 96), il (p. XII) n’y avait en France après la défaite des Albigeois, que deux grands dialectes, le provencal, et le normand. » Il conclut, et je concluerai avec lui, que « un Normand, Wace, a commencé la langue française, un Normand (Corneille) l’achèvera » !
Vous aimez peut-être, ou vous détestez, l’accent canadien français ? C’est l’accent d’un peuple qui se bat pour sa langue. Sa langue ? Tiens donc, le canadien français est donc une langue ? Le normand a influencé le québécois, mais aussi l’acadien :
– le mot « calumet » vient de l’ancien normand « calumet », signifiant : chalumeau, pipe !
– champelure (= robinet), Cf. en cauchois campleure
– bleuet (myrtille)
– croche (tordu)
– gricher = grincer cauchois ‘grigner’
Au Québec :
– ber = berceau
– boucane = fumée, ou maison de chétive apparence
– boucaner = fumer, ou mettre en colère
– gourgannes = fèves de marais
– gourgane = bajoue de porc fumée
– itou = aussi (et qui a donné « too » en anglais)
II) (cette partie est très fortement inspirée de mon cher Bill Bryson, que j’appellerai ‘B.B.’ « for short »)
Pourquoi tant de mots français existent dans la langue anglaise ? Est-ce parce que la colonisation de l’Angleterre par les Normands fut féroce ? Est-ce que par exemple étaient punis les gens qui parlaient anglo-saxon dans la rue, les endroits publics ? Ou bien le peuple se dépêcha-t-il d’adopter la langue de l’occupant, soit par opportunisme, soit par servilité ? Ou la langue anglo-saxonne était-elle capable d’une réelle et naturelle capacité d’adaptation ou d’absorption ?
Une remarque avant d’aller plus loin : vous avez sans doute noté que dans mes questions précédentes j’ai utilisé une fois le terme : langue anglaise, et deux fois celui de « langue anglo-saxonne ».
Pour une raison ignorée, cette langue est connue maintenant comme celle des « Angles », mais en fait très vite après l’arrivée des Angles, des Danes, des Jutes et des Saxons en Britannia suite au départ des légions romaines à la fin de l’Empire Romain au 5è siècle de notre ère, les Saxons devinrent le groupe dominant. Donc je devrais même plutôt parler de Saxon quand je fais référence à l’Anglais de cette époque. Notons en passant que si en Gaule et en Hispanie l’occupation romaine avait eu pour résultat la naissance de langues entièrement nouvelles l’espagnol et le français, en Britannia les Romains n’ont laissé que quelques rares mots, et les Celtes pas plus de 20 – pour la plupart des termes géographiques décrivant le paysage varié de collines et de rivières qu’ils habitaient ( aber, combe = vallée, qu’on retrouve en France avec la même signification… et qui en Angleterre se prononce /koum/). (Les Anglais n’utilisent pas ce terme d’ « anglo-saxon »…).
Avant ce que Bill Bryson appelle le « cataclysme final », la conquête de 1066, la langue anglo-saxonne avait déjà démontré sa grande faculté d adaptation. Avant d’arriver de l’autre côté du « Channel », les Anglo-Saxons avaient sur le continent emprunté du vocabulaire aux Romains : street, pillow, wine, inch, mile, table, chest, par exemple. B B en profite pour faire remarquer qu’une telle liste d’objets communs est un indicateur de « la pauvreté de leur culture » (p.42).
Et pourtant, ils possédaient une langue « riche de possibilités » (Otto Jespersen, The Growth & Structure of the English language, Garden City, N .Y : Doubleday & Co, 1956). Et qu’une fois confrontés à l’alphabétisation (« literacy »), « leur langue se mit à fleurir très rapidement ». Le grand acteur de cette alphabétisation, et de la propagation du Christianisme, fut St Augustin, qui se rendit en Angleterre avec 40 missionnaires en 597, et en moins d’un an, il avait converti le roi Ethelbert de Kent, établi dans sa petite capitale provinciale de Canterbury (ce qui explique d’ailleurs pourquoi le chef de l’Église d’Angleterre s’appelle « l’Archevêque de Canterbury » alors qu’il réside à Londres).
C’était une langue « merveilleusement » complexe, alors que par comparaison l’anglais moderne a par exemple pratiquement aboli le genre. Par contre il a conservé intacte la vieille prononciation de mots tels que ship, bath, bridge, that.
L’anglo-saxon ne tarda pas à évoluer (p. 42) : « dès qu’ils eurent appris à écrire, ce fut un véritable débordement » (p.43). La floraison culturelle qui s’ensuivit atteignit son point culminant dans le lointain royaume de Northumbria, au Nord. Là, à la limite du monde civilisé, émergèrent : le premier grand poète anglais, le moine Caedmon ; le premier grand historien, Bede le Vénérable ; et le premier grand érudit, Alcuin de York, qui devint le chef du Collège de Charlemagne à Aix et un des initiateurs de la Renaissance.
Un cataclysme survint : les invasions vikings aux 8è et 9è siècles. Finalement, une victoire inattendue des anglo-saxons en 878 aboutit à un traité qui établissait le ‘Danelaw’, une ligne de partage entre approximativement Londres et Chester, séparant Anglia en deux : les Anglo-saxons au Sud, et les « Danes », les Danois, au Nord. Et à ce jour (p. 45), la séparation linguistique existe toujours ! L’influence danoise fut énorme, et de nombreux mots scandinaves passèrent en anglais : freckle (= tâche de rousseur), leg, skull, meek (=docile ), dazzle, rotten, clasp, crawl, scream, trust, lift, take, husband, sky. Parfois le vocabulaire scandinave remplaça les mots anglo-saxons, mais souvent il s’ajouta à l’existant, créant des doublons et enrichissant encore la langue : craft et skill, wish et want, raise et rear, entre autres. Parfois ces doublons évoluèrent séparément au point de signifier quelque chose de différent : scatter et shatter, skirt et shirt, bathe et bask, stick et stitch, wake et watch, break et breach…
Et, chose remarquable, l’anglais adopta même des changements grammaticaux : les pronoms they, them, et their sont scandinaves. D’après B. B., cet emprunt d’éléments syntaxiques de base est rare, peut-être un cas unique parmi les langues développées, et certainement une preuve précoce de la remarquable capacité d’adaptation des locuteurs anglo-saxons.
J’en arrive à l’intrusion des Normands et du normand : un des paradoxes de cette intrusion du normand dans la langue anglaise est, d’après B.B., le suivant : ces Normands qui envahirent l’Angleterre en 1066 étaient les descendants des Vikings qui s’étaient installés dans le Nord de la France deux cents ans auparavant. Mais contrairement aux Celtes de la Britannia de la fin de l’Empire Romain qui la quittèrent pour aller fonder la Bretagne en « Aremorica », ces Norsemen abandonnèrent leur langue et leur culture et devinrent… franco-normands. B. B. a tort quand il écrit (p. 46) que pas un seul mot de norse a survécu en Normandie, à part les noms de lieu. Je pense aux noms de poissons tels le « ha », à « wrach » (qui a donné varec’h). Dans la toponymie : « hague », « hougue », « toft » comme dans Gratot, Yvetot…
Autre paradoxe selon B.B. (p. 46) : c’est cet apport qui aurait contribué à la survie de la langue anglaise ! Je vous donnerai son explication plus tard.
Aucun roi d’Angleterre ne parla plus anglais pendant les trois cents ans qui suivirent : c’est en 1399, avec l’accession au trône de Henri IV, que l’Angleterre eut pour la première fois un chef dont la langue maternelle était l’anglais.
Un par un, les « earls », qu’on peut essayer de traduire par « comtes » – mais le sens exact est plus flou -, mais aussi les « bishops » (les évêques) furent remplacés par des Normands. Il faut imaginer que ceci prit des années. Furent « importés » de Normandie, ou « exportés », des artisans, des artistes, des cuisiniers, (des cuisinières ? lui parle de « cooks », qui est asexué en anglais), des érudits, des scribes…
Que se passait-il au sein du peuple conquis ? Manifestaient-ils avec des banderoles : « Normans go home ! » ? Les érudits écrivaient-ils des pamphlets ? Des suicidaires se faisaient-ils brûler ?
Ou encore plus violemment, organisaient-ils des barricades, des embuscades ?
William Harrison (1534-1593) se plaint (in ‘Anglais moderne et Anglais Ancien, p. 21): « Après la langue saxonne le français ou le normand pénétra notre pays, et désormais c ‘est en cette langue que pendant longtemps nos lois allaient être écrites, c’est en cette langue que nos enfants par décret spécial furent obligés d’être instruits. De même, peu d’évêques, abbés ou autres religieux furent admis à exercer, car pour ce faire il fallait avoir étudié la religion outre-mer, et donc oublié l’anglais de façon à prêcher en français. À la cour, l’anglais était tellement méprisé que la plupart se seraient déshonorés de l’y parler. À la campagne, les laboureurs se mirent à délaisser leur langue maternelle, et peinèrent à se mettre au français, qui n’était pas une langue raffinée. Mais chaque coquin de Français se prenait pour un fier gentilhomme sous prétexte que lui savait le parler. On voulait exiler les discours anglais et britanniques (sic!) hors du pays. Mais en vain, car vers la fin du règne d’Édouard 1er (1272 jusqu’à sa mort en 1307) le français cessa d’ être parlé généralement, mais surtout et de par la loi au milieu du règne de Édouard III, et alors l’anglais fit sa renaissance ».
Pour BB, ce qui est sûr, c’est que le peuple n’était pas surpris d’ entendre ses chefs parler une autre langue qu’eux, c’était ainsi avant : le fameux roi Canute du demi-siècle précédent (985 ou 995 – 1035, règne : 1016-1035) était Danois, et même Edward le Confesseur, l’ avant-dernier roi anglo-Saxon (8 juin 1042 – 5 janvier 1066), parlait « français », c’était sa langue maternelle (sa mère : Emma de Normandie, était la fille de Richard 1er, Duc de Normandie ; son père : Aethelred the Unready), et il avait été exilé en Normandie, d’où il était rentré en 1036. Au 18è siècle, fut installé sur le trône d’Angleterre le roi George 1er, un roi allemand, qui ne parlait pas un mot d’anglais… Ce qui ne l’empêcha pas de régner pendant treize ans, sans avoir pu apprendre la langue… Les « gens d’en bas » avaient, en langage moderne, ‘intégré la différence’ : ils ne parlaient pas comme leurs maîtres, et leurs maîtres ne vivaient pas comme eux.
La société anglo-normande (p. 46) fonctionna sur deux niveaux : l’ aristocratie, de langue et de culture normandes, et la paysannerie, qui parlait anglais, relégué au rang de langue vulgaire. B.B. oublie-t-il les hommes de pouvoir anglo-saxons ? Dans l’histoire de la langue, peut-être en effet n’eurent-ils que peu d’influence ? (retravailler M. C.). En tout cas, l’influence linguistique des Normands se fit sentir surtout sur la Cour, le gouvernement, la mode, et le mode de vie des classes « supérieures » (que B. B. appelle « high living » = la grande vie ?). Quant au paysan anglo-saxon, il a lui continué à manger, boire, travailler, dormir et jouer… dans sa langue. Cette différence, on la retrouve dans le nom des métiers. Les plus humbles gardent leurs noms anglo-saxons (p. 47) : smith, baker, miller, shoemaker, tandis que les plus qualifiés adoptent des noms français : mason, painter, tailor.
Comment se fait-il qu’en anglais on ne dise pas « kestion », « kit » , « karter », comme ‘question’, ‘quitter’, ‘quartier’ en français ? C’est parce qu’en francien, le français de l’ Île-de-France, on ne prononçait pas le son « w », à la différence des Normands. Et donc on les prononce : /question/, /quit/, /quarter/. Même chose pour les sons /cha/ (en francien), et /ca/ en normand. Ainsi en anglais on a « carry » (pour ‘charrier’), « cauldron » (pour ‘chaudron’), « cattle » (pour ‘chattel’ – le mot « chattel » existe bien en anglais, en général au pluriel, pour signifier : « les biens personnels », et serait arrivé après). Et c’est parce que les Normands utilisaient les suffixes « -arie » et « -orie », pendant que les Franciens disaient « -aire » et « -oire », qu’en anglais on dit « victory » et « salary » !
Les Normands et donc les Anglais gardaient le son /s/ dans « August », « forest », beast », « hospital », « isle » et « island ».
Des 10 000 mots issus du « Norman French », à peu près les ¾ sont toujours usités :
justice, jury, felony, traitor, petty, damage, prison, ou jail /gaol (de ‘geôle’), marriage, sovereign, parliament, govern et government, prince, duke, viscount, baron – mais pas king et queen (je suppose qu’ils étaient là avant la conquête, par la voie saxonne : Cf. allemand « König »).
Par un même phénomène d’adoption, de nombreux mots anglais sont passés au français-normand . Il n’est parfois pas possible de dire qui a emprunté à qui : par exemple, p. 48 « aggressive », est-il devenu « aggressif », ou fut-ce le trajet inverse ? Le Oxford English Dictionary ne se prononce que sur l’âge de l’emprunt : le 19è siècle, ce serait donc un exemple « irrelevant »! (« relevant » lui ne viendrait pas du français, d’après le O. E. D., mais de l’écossais –pour une fois ! ». A Scots legal term meaning ‘legally pertinent’ – early 16th century).
(p. 48) Parce que l’anglais n’ avait pas de statut officiel, il a « vadrouillé » pendant trois siècles. Il existait sans exister, sans être reconnu, sans « Académie » ou édit royal pour le déclarer langue officielle, ou au moins, utile ! Pour employer un mot moderne, et parlant (j’espère), c’était le grand n’importe-quoi, le fourre-tout, la Tower of Babel !
Ailleurs, il y a de nombreux exemples de langues qui n’ont pas survécu. L’anglais, lui, l’a fait : « Il est ironique – et sympathique – de noter qu’ une langue qui s’est imposée comme une voleuse, qui a été considérée pendant des siècles comme un patois (« in-adequate et second-rate tongue of peasants »), est devenue la langue la plus importante du monde ! »
Et c’est certainement son statut, ou plutôt son manque de statut, qui a fait de l’ anglais une langue plus simple, avec moins ou pas du tout de genres, inflections, déclinaisons, mutations, et tout le tralala (« and all the fuss »). B. B. cite Baugh et Cable : « En faisant de l’anglais la langue des gens incultes, la conquête normande a facilité son évolution, sa simplification, que cette langue a menées sans pressions, sans contrôles » (p. 49). La période dite du « Moyen Anglais » était lancée.
Cette évolution fut favorisée par plusieurs évènements :
– La perte de la Normandie par le pauvre Roi Jean – le tristement célèbre ‘Jean Sans Terre’, John Lackland, en 1204, au profit de Philippe Auguste et de la couronne française. Isolés du reste de l’Europe par la mer, les souverains normands finirent par se considérer davantage comme des Anglais que comme des Français ‘outre-mer’. Les mariages entre Normands, Anglais, Écossais et Gallois contribuèrent au sentiment d’être « Anglais ». Les enfants issus de ces unions apprirent le français de leurs pères, mais l’anglais de leurs mères et de leurs gouvernantes. En général, ils se sentaient plus à l’aise en anglais. Et « les Normands en fait ne furent jamais hostiles à l’anglais. Guillaume lui-même essaya de l’apprendre, mais sans succès. Il n’y eut jamais de guerre pour la supprimer », « There was never any campaign to suppress it ».
Alors, peu à peu, l’anglais devint plus présent. Le français demeura jusqu’en 1362 la langue du Parlement, et, pour quelque temps encore, de la Cour, et de l’aristocratie (« of the courts »), mais seulement dans un cadre officiel. Pendant une période, jusqu’à Chaucer (l’auteur des célèbres « Canterbury Tales »), les deux coexistèrent. Barnett (Lincoln Barnett, The Treasure of Our Tongue, New York. Alfred A. Knopf, 1964) note que lorsque le ‘Dean of Windsor’, le Doyen (encore un mot qui vient du normand : ‘deien’, from Late Latin ‘decanus’ = ‘chief of a group of ten’, from ‘decem’ = dix), dans une lettre à Henry IV, passait et repassait inconsciemment du français à l’anglais. C’était en 1403, trois ans après la mort de Chaucer, preuve que le français existait encore.
Vers la fin du 12è siècle, certains enfants normands devaient apprendre le français avant d’être envoyés à l’école. Deux siècles plus tard, l’Université d’Oxford introduisait un règlement ordonnant que les étudiants soient enseignés au moins en partie en français « pour éviter l’abandon total du français ». Dans quelques jugements de tribunaux de cette période écrits en français, la syntaxe utilisée témoigne du fait qu’ils ont été pensés en anglais. Ceux qui étaient suffisamment riches envoyaient leurs enfants à Paris pour apprendre le dialecte francien, plus à la mode, et qui à cette époque était en train de devenir une langue à part (p. 50). Pour preuve, Chaucer dans ses ‘Canterbury Tales’ note que l’une de ses personnages, la prieure, parle le français de Londres, mais pas celui de Paris, qu’elle ignore. À Paris on se gausse de l’accent anglo-normand. Les aristocrates anglo-normands, plutôt que de persister à parler un dialecte qu’ ils considèrent inférieur, et que de toute façon ils parlent mal, vont retrouver une fierté certaine à parler anglais. L’anglais est maintenant triomphant, plus simple grammaticalement, beaucoup plus riche lexicalement. À cause des influences danoises et normandes, il a perdu 85 % de ses 30 000 mots anglo-saxons : seuls environ 4 500 mots de vieil anglais ont survécu. Mais pas n’importe quels mots : man, wife, child, brother, sister, live, fight, love, drink, sleep, eat, house, etc. Mais aussi ces mots comme : to, for, but, and, at, in, on, etc. En conséquence, au moins la moitié des mots dans pratiquement n’importe quel échantillon d’anglais moderne est d’origine anglo-saxonne.
J’aime ce commentaire de Bill Bryson: « il est vrai que l’anglais a été incommensurablement enrichi par les vagues linguistiques qui se sont succédées dans les Îles Britanniques. Mais il est tout aussi vrai de dire que l’anglais que nous parlons aujourd’hui est riche, non pas parce qu’on l’a forcé à l’être, mais parce qu’il a su accueillir cette richesse. »
Pour moi aucune langue n’est supérieure à une autre. Je tenais par cette conférence à redonner au « patois normand » la place qu’ il mérite, et réparer l’immense injustice qui consiste à considérer que « budget », c’est de l ‘anglais, que « budget » c’est du français, mais que « bouguette » c’est du patois, et qu’à ce titre il n’a aucun intérêt. Moi le Breton, le prof d ‘anglais, j’ai eu la chance d’être nommé dans la Manche il y a pas mal d’ années. Je sais que le « patois » normand va mourir, mais j’aimerais qu’ il meure de sa belle mort, reconnu et apprécié à sa juste valeur.
Et je terminerai par une boutade : si le Duc Guillaume n’avait pas envahi l’Angleterre, s’il ne s’était pas fait couronner roi d’Angleterre, que se serait-il passé ? Le roi de France de l’époque, c’est Philippe 1er, capétien, né en 1052, mort en 1108, roi en 1060 à 8 ans. En fait il ne règnera seul qu’à partir de 1066. Et pendant la plus grande partie de son règne, il luttera pour réduire la puissance de son vassal le plus redoutable, Guillaume devenu le Conquérant. En 1076 ce dernier est battu à Dol, en Bretagne, qu’il essaie de conquérir, et à laquelle il renoncera finalement. Et s’il ne s’était pas blessé au cours du siège du château de Gerberoy à côté de Beauvais en 1079 ? Et si, et si … Je m’amuse, mais pour en arriver à une boutade. Et s’il était devenu roi de France ? Et bien aujourd’hui j’prêcherions patoués !!!